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Critique de Lenocherdeslivres


Les règles sont la vie. Chaque manquement vous coûte des points. Or, pour mener une existence correcte, il faut des points. Chaque citoyen porte au poignet une montre qui permet d'afficher en temps réel la somme de points qu'il possède. Autour de 1000, vous êtes tranquille. En dessous de 500, la chute est proche : le pouvoir vous surveille et le moindre faux pas vous est reproché. Bienvenue à Pointland !

Que ferais-je sans Yogo et son blog Les lectures du Maki ? C'est lui qui m'a fait découvrir ce roman et je l'en remercie.

Pour décrire le monde imaginé par Florence West, il suffit de penser à un mélange entre 1984 de George Orwell et ces villes chinoises où les habitants sont filmés en permanence et obtiennent ou perdent des points. Leur niveau de vertu (sacré concept !) serait ainsi évalué tout au long de leurs journées. Eh bien, à Pointland, on est dans la même optique. Dans ce monde gris et terne, le moindre faux pas, la moindre différence est repérée et sanctionnée. Or, chaque habitant possède un nombre de points qu'il peut visualiser grâce à sa montre. Autour de mille points, tout va bien pour vous. En dessous de cinq cents, la dégringolade commence. Certains droits vous sont enlevés et si vous ne vous relevez pas, votre déchéance est proche. Pour tenter de remonter la barre, il faut multiplier les bonnes actions, celles qui vont dans la ligne du parti. Dans la ligne de celui qu'on ne verra jamais, le chef de cette dictature, surnommé Cafard Ier par Tzéga, l'une des deux personnages principaux de ce roman. Petite parenthèse : les passages mettant en scène ces petites bestioles dans l'imagination de la jeune femme, où elle compare ses concitoyens à ces insectes, m'ont systématiquement fait penser à ce film mettant en scène Lino Ventura, La Métamorphose des cloportes (Pierre Granier-Deferre, 1965) ; lui aussi porte ce regard méprisant et sans aménité sur ses voisins.

Les bonnes actions vont de manger des légumes verts à dénoncer ceux qui sont coupables d'infractions. Tout est prévu pour cela : des bornes de dénonciation sont disponibles et les drones survolent régulièrement la ville et peuvent intervenir avec rapidité. le deuxième personnage central de ce roman, Valmir (prénom qui peut avoir des consonances salves, ce qui colle bien avec l'univers communiste fantasmé), a totalement adhéré à cette doctrine. Pour lui, le système de points permet la justice. Si vous agissez correctement, vous êtes récompensé. Et il s'est ainsi créé une existence que l'on ne peut que détester selon nos normes, selon notre regard actuel.

Comme il faut dans une histoire que les évènements forcent la main des protagonistes, Tzéga et Valmir vont subir des déconvenues qui vont bouleverser leurs existence. La première, suite à un pari stupide, voit ses point diminuer et se retrouve dans le collimateur de ces censeurs qui l'entourent. le second commence à comprendre que l'égalité et la justice promises ne sont rien face aux privilèges des classes bien nées. Comme dans chaque dictature, les privilégiés ne renoncent pas à leurs avantages. le système des points est-il vraiment respecté par tous ?

Le propos de Pointland est dans l'air du temps et salutaire : est-on prêt à abandonner tout libre-arbitre au nom d'un certain confort, d'une certaine équité ? Doit-on imposer à toutes et tous une même vision, au nom du bien-être personnel et collectif ? La réponse se devine dans mes questions. Et c'est ce qui m'a gêné par moments. Car cet ouvrage n'est pas exempt de grandes maladresses. Pour commencer, il est trop simpliste sur certains points, trop manichéen : les gentils sont gentils et dignes de pitié, les méchants sont très méchants et méritent les pires sévices. Les critères moqués par l'autrice ma paraissent parfois, comme à elle, ridicules ; alors que d'autres me semblent justes. Difficiles de tomber tous d'accord sur le bien… Ensuite, même si la construction de l'histoire est plutôt solide et bien vue, elle manque d'originalité (et de subtilité parfois). Mais, je l'écris souvent ces temps-ci, pas évident d'être très original dans un monde où tant d'histoires sont créées chaque jour. Enfin, je trouve que l'autrice a, par moments, trop insisté sur certains points : elle veut être certaines que l'on a bien compris le sentiment de tel personnage, son caractère, ses motivations. Aussi, elle se répète. Mais cela n'intervient qu'en quelques endroits.

Les dystopies mettant en scène des mondes dictatoriaux ne manquent pas depuis des années. Y compris dans la littérature YA (Hunger Games en est un exemple connu). Pointland s'inscrit dans cette veine des romans qui contestent l'autorité aveugle. Et même si je suis moins élogieux que Yogo, j'ai apprécié la lecture de cet ouvrage qui a le mérite de mettre en lumière les dangers du tout sécuritaire et du tout normé. Il permet de se demander jusqu'où on est prêt à aller, de son côté. Quelles libertés on est prêt à voir rognées. À quel moment on finit par se sentir en prison. Un questionnement nécessaire.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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