L'enfance est un mirage et l'enfant se souvient de la tienne sous sa peau, jusqu’aux bruits et aux odeurs.
Notez que les vrais nécessiteux remercient toujours. Politesse exigée.
Comme un siècle auparavant, comme dans des centaines d'années, le vent agite en tous sens l'or sombre des genêts. Vous buvez à la santé du monde, vous trinquez à la grâce et au grand n'importe quoi des Hommes, aux blessures s'évanouissant dans les rafales.
Et un beau jour, sur le piédestal de ton altruisme, tu vins jusqu'à la classe de l'enfant déverser dans son monde ton bric-à-brac du cul, ton petit foutoir de la bite et de la chatte, ton catéchisme de l'orgasme et toute cette glorieuse liberté sur le tableau noir.
Le monde s'enivrait des ritournelles yéyés qui l'accompagneraient jusqu’à la tombe, Let's twist again. Rien ne salirait les souvenirs passés à l'eau de Javel, et ces reliques repassées et nickel resteront rangées par tailles, dans une malle du grenier, vieux vêtements d'enfant que personne ne se résout à jeter.
Comme ta mère et avant elle sa propre mère, comme toute la lignée des femmes avant toi, tu avais intégré ton infériorité intrinsèque, ta fragilité organique, ton inaptitude à prétendre plus. Depuis que tu tenais debout, tu connaissais la loi immuable : les garçons courent en hurlant de rire, cassent leurs jouets et disent des gros mots. Les filles sont soigneuses, romantiques et volontiers intimidées.
La tâche de vivre, vivre avec ardeur, vivre debout, vivre autrement qu'en se laissant salement glisser sur la pente, tu n'en étais pas encore là.
Les mères ont le ventre rempli d'orties. La maternité est un fleuve qui charrie, dans un climat de rare bienveillance sociale, la folie la plus noire.
Tu la tiens, ta revanche. Sur l'amour toujours bancal, sur l'amour toujours manquant. Sur l'infériorité liée à ton sexe. Ta prétendue fragilité, mon œil.