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Critique de darkon31


Donald Westlake a écrit deux histoires centrées sur des congrégations religieuses. Une de moines, Drôles de Frêres (Brothers Keepers, 1975) et une de nonnes, Bonne Conduite (Good Behavior, 1968). Dans les deux cas les institutions religieuses sont situées en plein New York, ce qui fait ressortir les contrastes entre l'intérieur feutré des cloîtres et le monde extérieur, trépidant et sauvage.

Westlake s'amuse à creuser ce rapport d'exclusion réciproque, pour mieux le retourner comme un gant et l'annuler au bout du compte.

Dans ces deux romans il est question d'enfermement, volontaire ou imposé. Des hauts murs qui ceinturent les couvents et des hautes tours anonymes hyper-sécurisées qui jalonnent New York.

Les voleurs, les cambrioleurs, ont pour mission de déjouer ces barrières artificielles. Ils représentent la vie dans un univers paranoïde. Cela ressemble au mythe de la tour de Babel.

Face à l'angoisse l'auteur joue la dérision. Face à l'administration aveugle et sourde, les ruses des gens, les ruses de la vie, parviennent encore à sa frayer une voie. Cela a un effet de soulagement cathartique sur le lecteur. Et sans doute aussi sur l'auteur.

Le héros phare et néanmoins désopilant de Westlake, John Dortmunder, n'est pas le privé des romans noirs classiques. C'est un petit cambrioleur, un homme ordinaire, non violent, effacé et pantouflard. Il est accompagné de quelques fidèles complices sans illusions, mais honnêtes et sûrs à leur façon. Ce sont des héros de l'ombre.

Pourquoi ces deux mondes, celui des voleurs et celui des religieux cloîtrés, se rejoignent ?

Les voleurs vont souvent en prison. Ils se font attraper contre leur volonté. Les religieux ont renoncé à leurs désirs et dés lors ils ont acquis une certaine liberté.

Le but qui semble se dessiner au bout de ces routes sinueuses, c'est la paix intérieure, la paix spirituelle. N'est-ce pas cela même que les philosophes nommaient le Bien Suprême ?

Ou on se plonge dans la course effrénée à la réussite, tous contre tous, et la tour de l'incompréhension grandit démesurément. Ou on parvient à se garder de cette démence généralisée, en se plaçant à l'écart du jeu d'une façon ou d'une autre.

À la façon des religieux retirés dans un couvent. À la façon des voleurs retirés à l'ombre de la société légale.

Celui qui croit au jeu proposé devient fou. Celui qui n'y croit pas doit apprendre la modestie et la patience et surtout l'humour. L'homme habité par la paix est l'idéal qui nous attend tous au bout du chemin. le grand guérisseur des âmes et des corps malades.

Westlake est un auteur chrétien. Bien que j'ignore la profondeur de sa foi, il appartient à la culture américaine. Une culture baignée depuis son commencement dans les valeurs religieuses et les histoires bibliques.

Le royaume appartient au moindre d'entre nous.

* * *

Extrait d'une lettre :

Chère Soeur Marie de la Grâce,
Une excellente nouvelle ! Dieu a enfin jugé bon de nous mettre en mesure de venir en aide à un homme qui a précisément les talents requis pour venir vous sauver. Il est cambrioleur de profession, ce qui signifie qu'il a étudié et maîtrisé l'art d'entrer dans des endroits fermés à clé ou difficiles d'accès et d'en sortir. (il nous est tombé du toit !)
Avant de jeter la première pierre, nous devons nous rappeler St Dysmas, crucifié avec Notre Seigneur, un vulgaire brigand qui se repentit avant de mourir. « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Royaume », lui promit Notre Seigneur. Ce fut donc St Dysmas, le larron, que le Seigneur choisit pour l'accompagner au Ciel lors de son capital voyage de retour à son Père Céleste, et non un des Apôtres ou des Disciples et c'est un fait que nous ferions bien de ne pas oublier. […]
Mère Marie de la Force
Congrégation Silencieuse de Ste Philomène
(p. 59)
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