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Critique de florigny


Il s'appelle Burke Devore, 51 ans, au chômage depuis près de deux ans, sans aucun manquement professionnel de sa part. Archétype de l'américain moyen, cadre dans l'industrie du papier durant 25 ans, une jolie maison assortie à sa jolie femme, deux enfants, Burke désespère de trouver un nouveau travail et s'interroge : Pourquoi ce type au sourire mou, aux oreilles énormes, à la coupe de cheveux ringarde a-t-il été embauché à sa place sur un poste correspondant pile-poil à ses compétences et à son expérience ? Qu'a fait ou dit ce type ? Qu'y a-t-il dans son cv qui n'est pas dans celui de Burke ? Pourquoi son entreprise florissante, tout en versant des dividendes records à ses actionnaires qui n'ont jamais mis les mains dans le cambouis ni vu un boulon, invente-t-elle des compressions ou réductions de personnel, des vagues de départs volontaires, des plans sociaux, des charrettes, tous ces euphémismes nuls pour masquer des licenciements ? Est-il exorbitant de penser que le capitalisme s'engraisse sur le dos des salariés ? Puisque tout le monde autour de lui a une logique, l'économie, le marché, les actionnaires, les patrons, Burke met la sienne au point. Puisque la guerre économique, avec son cortège de sacrifices demandés aux combattus, a été déclarée contre ce pacifiste jovial, il va se défendre.


Le couperet est l'histoire d'un homme qui se rebelle contre un système qui ne lui donne aucune chance, contre un monde dans lequel si l'on n'est pas le premier, l'on est le dernier, puisqu'il n'y a pas de second. Acculé par la violence de ces pratiques meurtrières, Burke invente une méthode radicale pour retrouver du boulot : il élimine, les uns après les autres, tous les concurrents dont le cv pourrait faire de l'ombre au sien et c'est ainsi qu'un ex-travailleur sérieux et respecté, amoureux de sa femme et bon père de famille se transforme en serial killer.


Dans un style sec dépourvu d'affects, avec un humour noir glacial sans aucune distanciation, Donald Westlake, délaissant les polars-pur-jus, se livre à une analyse sociétale cinglante, démontre implacablement l'absurdité du capitalisme, et réalise le tour de force de rendre son tueur froid et méthodique, très sympathique, en poussant le lecteur à s'identifier à sa détresse, à lui donner raison. Allez, j'ose le dire : Burke venge par procuration tous ceux, fort nombreux, qui ont vécu, vivent ou vivront, plus qu'hier et moins que demain, dans l'incompréhension et l'impuissance totales, l'injustice d'un licenciement boursier.


Le couperet est un roman politiquement incorrect, immoral, inconvenant, subversif, grinçant, corrosif, mais follement réjouissant et brillant, basé sur une idée économiquement de plus en plus répandue : « La fin justifie les moyens, et que le meilleur gagne ! »
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