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Critique de AgatheDumaurier


Dans un roman d'Edith Wharton, pour ne pas mourir ou finir anéanti par sa confrontation avec le monde, il faut être totalement vide et insensible. C'est le cas d'Ondine Spragg, l'anti-héroïne de cette oeuvre sombre et cynique. Ondine, c'est la quête perpétuellement insatisfaite de "ce qu'il y a de mieux", et qui lui est dû. Parce qu'elle est belle, et qu'elle le vaut bien. C'est un objet sur le marché du mariage, du beau mariage, et cela lui convient parfaitement. Les hommes doivent y mettre le prix. Fruit monstrueux d'une éducation et d'un milieu qu'elle ne remet jamais en question (parce qu'elle est dans l'incapacité complète de le voir), elle sème le malheur partout où elle passe, comme l'ange de la vengeance. Les hommes sont pris au piège des règles auxquelles ils ont soumis les femmes. Une si parfaite incarnation de la domination masculine devient pour eux un démon qui les ruine et les rend fous. Edith Wharton nous livre sa propre vision de la dialectique du maître et de l'esclave.
La première victime d'Ondine est un rejeton affaibli de l'aristocratie new yorkaise. Elle sèmera le chaos dans cette famille aux valeurs rigides et périmées. Leur agonie est cruelle. Ondine ne regardera pas une seule fois en arrière, abandonnant son fils, puis s'en servant contre eux d'une manière assez ignoble.
Sa deuxième victime -c'est une serial killeuse- est un aristocrate français tout droit sorti de Proust qui aurait mieux fait de rester caché au faubourg Saint-Germain ou dans son château moisi. Entre une Scarlett O'Hara en promo chez Auchan et un petit marquis, ça ne peut pas marcher.
Enfin son double masculin, probable troisième victime. Elle ne peut pas trouver mieux, mais...
Edith Wharton, colt au poing, tire sur tout ce qui bouge, les hommes, les femmes, les sociétés, les rituels, les fausses valeurs...L'hypocrisie et l'insincérité de tous les rapports humains font frémir. Pas un personnage ne s'en sort, tous sont atteints et tous en mourront, de ces paroles échangées qui ne veulent rien dire et sont dictées par des codes sociaux, de ces "amitiés" qui ne sont rien que des relations d'intérêt, de ces enfants qu'on délaisse comme si l'avenir n'existait pas, de ces "amours" exclusivement tarifées. Un conte à vouloir s'enfermer dans sa bibliothèque, en compagnie exclusive de chats.
Mais quelle perfection et quelle lucidité !
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