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Critique de lespapotagesdesixte


Underground Railroad est donc l'histoire d'une fuite. Pas n'importe quelle fuite, mais une fugue pour la liberté, qui transparaît clairement comme un besoin viscéral. Car oui, les premières pages du roman nous confrontent très brutalement à la vie quotidienne dans le quartier des esclaves d'une plantation de coton. On le comprend très vite, Cora et les autres n'y vivent pas, ils y survivent. Ils survivent à une vie de travail acharné, inhumain et épuisant, à la cruauté des maîtres et contremaîtres, à des conditions de vie misérables, mais aussi à une vie dans une communauté à la violence exacerbée. Premier malaise pour le lecteur, celui d'être spectateur d'une telle négation d'humanité et de la débauche d'une violence absurde, mais qu'on sait pourtant avoir malheureusement existé. Un fantôme du passé qu'on ne doit pas oublier.

Colson Whitehead fait d'ailleurs de son roman un mélange de fiction et de documentaire. L'écriture est un peu journalistique : si elle n'est pas dénué d'émotions et de profondeur, la plume reste tout de même celle d'un reportage. C'est un peu déconcertant parfois, car on voudrait en tant que lecteur se rapprocher encore un peu de Cora et des autres personnages. J'ai eu la sensation parfois d'avoir sous les yeux des personnages porte-paroles, sorte de prétextes à un fiction documentaire plutôt qu'à de vrais héros de roman. Cependant, et Maned Wolf en parle elle aussi ici dans sa chronique, c'est un parti pris. L'efficacité du récit est là pour souligner la fuite et l'insécurité permanente de Cora, qui finalement, n'a jamais le temps de vivre. Ce roman est une sorte d'histoire fantastique documentaire, emplie de métaphores pour aborder les nombreuses facettes d'un pan de l'histoire extrêmement sensible. L'Underground Railroad, par exemple, ce réseau d'aide clandestin aux esclaves en fuite, est véritablement matérialisé en chemin de fer : personnellement, j'ai trouvé cela très habile. La métaphore de la liberté est donc matérialisée, et donne à cette fuite des allures d'odyssée. Une quête de la sécurité, avec ses multiples épreuves qui viennent dynamiser un récit à la chronologie parfois un peu déconcertante en raison des nombreux souvenirs qui viennent hanter les personnages.

En réalité, je trouve ce roman difficile à chroniquer. C'est une histoire belle et cruelle. Cruelle parce que le sujet est dur, inhumain : j'insiste sur cet aspect, mais avec ce livre, on se confronte à nouveau à la négation d'humanité d'hommes et de femmes à qui on a tout pris. Tellement tout pris qu'on se dit que c'est si illégitime, si affreux que cela en devient absurde : pourtant, si la forme est fictionnelle, on le sait, le fond n'est que trop vrai. Quand j'étais enfant, j'avais pris une claque avec La Case de l'Oncle Tom. Underground Railroad m'en donne une autre. Une belle histoire aussi, parce qu'en contraste de toute cette cruauté, il y a le désir de liberté et d'amour de Cora, son intensité, ses espoirs. Lorsque Cora s'interroge, on s'interroge avec elle. Et je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais je trouve que c'est une bonne chose, de s'interroger. Bref, pour ma part, j'ai énormément aimé cette lecture, qui m'a remuée malgré un style assez factuel : je maintiens donc, c'est une claque.
Lien : https://lespapotagesdesixte...
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