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Critique de 5Arabella


Oscar Wilde écrivit ce texte en français en 1891, il paraît dans cette version en 1893, avant d'être traduit en anglais par Alfred Douglas, qui maîtrisait toutefois moyennement le français, ce qui obligera Wilde lui-même à retoucher cette traduction, qui parut en 1894 accompagnée par les gravures de Beardsley, qui Wilde n'aimait pas.

Wilde appréciait la langue française : « Pour moi, il n'existe que deux langues : le français et le grec ». Par ailleurs, il escomptait que la pièce pourrait être créée par Sarah Bernhardt qu'il considérait comme la plus grande des actrices. Enfin, le choix du français est aussi lié à l'importance du mythe de salomé dans la littérature et l'art français en général. Ainsi, dans les Salons officiels de la deuxième moitié du XIXe siècle, il eut jusqu'à 5/6 toiles par an avec salomé comme sujet. En 1912, Maurice Krafft prétendit avoir recensé 2789 poèmes

Wilde s'est beaucoup imprégné du traitement de la thématique par certains auteurs français ; la source biblique du texte a ainsi subi des transformations profondes. Wilde a eu connaissance du poème inachevé de Mallarmé, Hérodiade et d' A rebours de Huysmans, avec ses célèbres descriptions des tableaux de Moreau. Mais l'auteur français qui a eu la plus grande influence sur Wilde pour sa salomé, est sans doute Flaubert. Hérodias (qui fait partie des Trois Contes) traite directement le sujet, Wilde va y reprendre un certain nombre d'éléments (chez Flaubert St Jean Baptiste s'appelle Iaokannan par exemple) mais il y a aussi salammbô dont on peut retrouver énormément de détails dans la salomé de Wilde. le banquet d'Hérode ressemble par certains côtés au banquet du début de salammbô, la lune est dans les deux un élément essentiel etc. Il faut citer également Maeterlinck, le grand auteur symboliste belge, dont Wilde semble avoir emprunté à bien des égards l'écriture et l'impressionnisme des images. salomé est donc une oeuvre aux multiples influences, très pensée, sans doute artificielle et construite plus que ressentie. Une oeuvre qui participe d'un jeu sur les possibles, sur les transformations successifs d'un thème, sur les variations que différents auteurs lui font subir, en se répondant l'un à l'autre, l'art devenant une fin en soi.

Nous sommes à un banquet chez le tétrarque Hérode. Des soldats observent de loin, tout en gardant le prophète Iokanaan, qui prophétise et stigmatise Hérodias, la femme d'Hérode. salomé, la fille d'Hérodias d'un premier mariage vient vers la citerne où est enfermé le prophète. Elle veut le voir et lui parler. Les soldats refusent, mais leur jeune capitaine, amoureux, fait sortir Iokanaan. salomé fait des déclarations d'amour à Iokanaan qui se répand en imprécations. le jeune capitaine syrien se suicide. salomé promet, ou plutôt menace, de baiser la bouche de Iokanaan. Hérode, attiré par salomé vient à sa suite avec Hériodas. Il essaie d'amadouer la princesse, et lui demande de danser pour lui, ce que sa mère lui défend. Elle finit par se décider à le faire, à la suite de la promesse d'Hérode de réaliser n'importe lequel de ses souhaits. Elle danse et demande en récompense la tête de Iokanaan. Hérode ne veut pas, fait des propositions diverses à salomé, qui tient bon. le tétrarque finit par tenir sa promesse et salomé pourra enfin baiser la bouche de Iokanaan. Hérode effrayé par son comportement, la fait tuer par ses soldats.

salomé est donc au centre de la pièce, alors qu'elle n'était qu'une silhouette, un outil utilisé par sa mère pour obtenir la mort du prophète dans la Bible. Etrangement, la pièce m'a fait penser au vieux schéma de la chaîne amoureuse de la pastorale, même si ce dernier est perverti : Héridias aime (ou veut posséder, dominer) Hérode qui aime (veut posséder, dominer) salomé (qui aime, veut dominer) Iakanaan qui aime Dieu. Ce qui arrête la chaîne, la rompt, sort Iakanaan du jeu, le met sur un autre plan. Chacun aspire à ce qu'il ne peut véritablement avoir Hérodias le souverain frère de son premier mari, Hérode sa belle fille, salomé un saint. Aucun ne peut satisfaire son désir sans transgresser un interdit, franchir une limite, sauf Iakanaan, qui seul a un désir légitime, en apparence, même si au final destructeur, et qui interdit la satisfaction aux autres maillons de la chaîne.

C'est peut être la limite de cette pièce, d'être une sorte de jeu à tous les niveaux, que ce soit de la trame, du langage, de références innombrables...Il est difficile à mon sens d'être vraiment transporté par ce texte, même si on apprécie tel ou tel élément, ou l'ensemble comme une belle mécanique. Et qu'on peut passer beaucoup de temps à donner des clés de lecture, qui sont presque infinis. Au final, comme pour Maeterlinck (Pelléas et Mélisande), la seule façon vraiment convaincante de donner vie à tout cela, est peut-être de l'accompagner d'une musique géniale. Wilde a eu la chance d'inspirer Richard Strauss, et ses mots continent à vivre et d'enflammer, même si c'est en allemand au final...
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