Citations sur Dérapages (24)
S'il leur avait fallu renoncer à quelque chose, leur voiture ou leur femme, la plupart des hommes, du moins parmi ceux que Stanley avait connu à Detroit, auraient certainement choisi de se séparer de leur femme.
Ce célèbre écrivain disait que les hommes qui vivent dans les villes sont comme des cailloux dans un sac en cuir. Ils frottent tous les uns contre les autres jusqu’à devenir ronds et lisses comme des billes. S’ils restent dans le sac assez longtemps, il ne restera plus la moindre aspérité, c’est ça son idée. Seulement moi, j’ai réussi à garder mes aspérités, chacune des mes arêtes tranchantes. Mais toi, mon vieux, tu as la rondeur et le lustre d’une agate. Tu vis dans ce sac depuis soixante et onze ans, vieux. On pourrait te montrer à la télé comme le spécimen parfait du mâle américain. Tu es le fils d’un immigrant polonais et tu as travaillé toute ta vie pour une entreprise capitaliste qui s’en fout totalement. Ton fils est un vendeur à la manque, et tu as fait un mariage typique, sans bonheur ni sexe. Et maintenant, une merveilleuse retraite sous le soleil de Floride.
-Je t’ai déjà expliqué. Je suis un criminel psychopathe, donc je ne suis pas responsable de mes actes.
-Est-ce que ça veut dire que tu es fou ? Tu n’as pas l’air d’un fou, Troy […]
-Laisse-moi terminer, Pépé. Je n’ai pas le temps d’entrer dans toutes les ramifications de ma personnalité, elle est trop complexe. Ils m’ont fait passer des tas de tests, et les résultats sont toujours les mêmes. Psychopathe. Et comme je suis un criminel, ça fait de moi un criminel psychopathe. Tu me suis ?
-Ouais, je crois bien. Mais si tu n’es pas fou, tu es quoi, alors ?
-C’est ce que je t’ai déjà dit. Je connais la différence entre le bien et le mal, mais pour moi c’est du pareil au même. Si je vois qu’une chose est bien et si j’ai envie de la faire, je la fais, et si je vois qu’une chose est mal et si j’ai envie de la faire, je la fais aussi.
-Tu veux dire que tu peux pas t’en empêcher, alors ?
-Pas du tout. Je vais m’exprimer autrement. Ce n’est pas que je ne peux pas m’en empêcher, c’est seulement que j’en ai rien à foutre.
-Et comme t’en a rien à foutre, tu es un criminel psychopathe, c’est ça ?
-T’as pigé.
-Mais, demanda Stanley en faisant un large geste du bras. Pourquoi est-ce que t’en as rien à foutre ?
-Parce que je suis un criminel psychopathe.
Nous ne sommes pas des saints, Pépé. Nous sommes tous humains, alors Dale a commencé à coucher avec le chauffeur de taxi. Si ça avait été juste comme ça, y aurait pas eu de problème. Quand ça commence comme ça, les gens se lassent l’un de l’autre au bout d’un moment et ça se serait terminé là. Elle aurait continué sa route vers le succès et lui, selon toute probabilité, il aurait eu son diplôme d’agent immobilier. Mais il se trouvait également que Dale couchait avec son directeur. Après tout, c’est lui qui l’avait découverte, il l’avait remarquée parmi plusieurs filles lors d’un concours en tee-shirt mouillé à Daytona Beach. C’est lui qui lui a donné sa première chance et qui la poussaitvers le succès. Il avait bien le droit de la baiser pour sa peine, et elle ne gagnait pas encore tellement de fric. Dans le show business, c’est comme ça que ça se passe. Tu as sûrement vu la même chose au cinéma.
Évidemment il n’y a rien d’extraordinaire dans le fait de tomber amoureuse, poursuivit Troy. Dale est jeune. Elle n’aura pas vingt et un ans avant cinq mois bien qu’elle paraisse plus âgée. Et le type dont elle est tombée amoureuse était un jeune et beau chauffeur de taxi. Il était également étudiant à temps partiel dans un institut universitaire où il suivait un cours sur l’immobilier. C’était un athlète, en plus, d’après ce que Dale m’a dit, et il jouait au softball 1 tous les dimanches dans Tropical Park. C’étaient des amants maudits, Pépé. Dale était déjà une étoile qui commençait à scintiller, avec un seul chemin devant elle : tout droit vers les sommets. Mais lui, ce type-là, tout ce qu’il voulait, c’était avoir son diplôme d’agent immobilier pour pouvoir rester assis dans des maisons vides le dimanche au lieu de jouer au softball. Comparé à Dale, ce garçon n’avait aucun avenir, aucun.
Je vais te raconter un peu l’histoire de Dale, et alors tu verras mieux la beauté qu’elle a en réalité… je ne parle pas seulement de son corps, mais de son âme. Il faut s’aider soi-même en ce bas monde, mais parfois on a besoin que les autres montrent un peu de compréhension. Je pense que Dale a progressé vers une vie meilleure et plus riche en m’écoutant, mais maintenant que me voilà investi de cette responsabilité, je la sens là, au plus profond de moi.
Je vois la beauté intérieure éblouissante de cette femme. Pour moi, ce qu’il y a à l’intérieur est bien plus beau qu’un extérieur abîmé.
– La boulimie, ça doit être une maladie féminine. Je n’ai jamais entendu parler d’un homme qui ait ça.
– Il n’y a pas de danger ! La plupart des hommes font des régimes pendant quelques jours, mais ils n’ont pas le courage intestinal qu’ont les femmes pour se laisser mourir de faim comme elles.
Si vous rendiez tout ce que vous mangez, vous auriez faim, vous aussi, monsieur Moseley. On appelle cela de la surnutrition. Ensuite les boulimiques rejettent tout et ils restent maigres, ou ils maigrissent davantage.
On ne dit plus mouchard. Le nouveau terme, c’est « informateur confidentiel ».