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Critique de Presence


Ce tome fait suite à En immersion (épisodes 6 à 11). Il contient les épisodes 0 et 12 à 17, initialement parus en 2010/2013. Tous les scénarios sont coécrits par J.H. Williams III et W. Haden Blackman. J.H. Williams III (en abrégé JHWIII) a dessiné et encré les épisodes 0, 12 à 14, 16 et 17, ainsi que la première et la dernière page de l'épisode 15. Les 18 autres pages de l'épisode 15 ont été dessinées et encrées par Trevor McCarthy. Les pages dessinées par JHWIII ont été mises en couleurs par Dave Stewart. Les pages dessinées par McCarthy ont été mises en couleurs par Guy Major.

Cela fait maintenant 9 mois que Medusa a enlevé des enfants dans Gotham. Batwoman a demandé l'aide de Kyle Abbot (un loup garou) pour retrouver sa piste, en vain. Elle a retrouvé la trace de Bloody Mary (autrefois appelée Mary Worth). Elle a appris que Medusa est l'une des gorgones. Avec l'accord du Directeur Bones et de Cameron Chase, elle contacte une experte en mythologie grecque pour l'aider : Wonder Woman. Première étape : s'enfoncer dans le labyrinthe du Minotaure pour y dénicher Nyx qui dispose peut-être d'une information sur la localisation de Medusa. Épisode 0 - le récit retrace le parcours de Kate Kane depuis son enfance avec sa soeur, jusqu'au moment où elle a pris la décision d'adopter une identité masquée pour lutter contre le crime.

Le temps est venu pour Batwoman de mettre fin aux agissements de Medusa, au travers de ces 6 épisodes (l'épisode zéro étant consacré aux années d'évolution de Kate Kane). le temps est venu du retour de JH Williams III aux dessins pour 6 épisodes sur 7. C'est avec une certaine gourmandise que le lecteur découvre ses mises en page toujours aussi sophistiquées. Cela commence avec Batwoman et Kyle Abbot pénétrant dans la pièce circulaire d'une maison aux miroirs et une mise en page en roue de charrette, vue du dessus, permettant de voir les images des 2 personnages dans les miroirs déformants, au fur et à mesure qu'ils se déplacent. Bien évidemment, Wonder Woman et Batwoman pénètrent dans le labyrinthe du Minotaure et JHWIII réalise une composition complexe montrant comment elles progressent dans les méandres géométriques des couloirs. Dans chaque épisode, le lecteur découvrira des mises en page inventives intégrant un thème ou une spécificité d'un personnage pour agencer les cases, et réaliser des séparations à motif (par exemple les ondulations d'un serpent entre les cases).

JHWIII dessine l'épisode zéro, dans un style qui évoque celui de Mazzuchelli pour Année un, la flamboyance n'étant pas de mise dans la mesure où le monde de Kate Kane n'a pas encore été transfiguré par l'identité secrète de Batwoman. Pour les 5 autres épisodes, le lecteur retrouve toute la démesure des compositions de l'artiste. La première caractéristique qui ressort est la mise en couleurs de Dave Stewart, savantes compositions chromatiques, jouant sur une tonalité principale, des nuances déclinées en riches camaïeux, et quelques surfaces d'une couleur tranchant avec le reste pour mieux ressortir.

Puis l'oeil prend le temps de parcourir les images, de s'y attarder pour déchiffrer les détails, la minutie des contours, les nombreuses silhouettes lors des scènes d'affrontement à Gotham, l'aspect tactile des textures, la diversité des tenues vestimentaires, la densité des arrières plans, etc. Pour un lecteur pressé, ces dessins sont trop riches, trop denses, et il finit par n'absorber le récit que par le biais du texte, jetant un coup d'oeil pressé pour englober chaque dessin superficiellement. Cette lecture est possible et elle conduit à se focaliser sur l'intrigue et les personnages. le degré de sophistication de certaines images finit par produire le contraire de l'effet recherché. Au lieu d'augmenter le niveau d'immersion dans un monde pleinement réalisé, il provoque un effet d'illustration exceptionnelle, existant pour elles-mêmes plus que pour porter la narration. C'est surtout vrai des scènes de foule, fourmillant d'une multitude de détails magnifiques, mais superflus. Il s'agit de quelques moments épars parmi ces épisodes.

À l'inverse, cette munificence des dessins peut donner lieu à des descriptions inoubliables, comme le directeur Bones en train de fumer, avec la fumée qui se voit entre ses côtes, et son étrange jambe artificielle (vision très étrange quand on sait que directeur Bones est un squelette). Elle prend également tout son sens pour l'apparition d'un horrible monstre du Dehors (fortement influencé par HP Lovecraft) qui grâce à JHWIII dépasse le cliché de la grosse bébête à base de tentacules, pour devenir étrangère à notre réalité et terrifiante. Comme dans le premier tome, JHWIII joue également sur différentes esthétiques pour mieux transcrire la spécificité d'un environnement ou d'un individu. Il y a donc l'épisode zéro dont les dessins ont une apparence plus simple pour montrer que le monde de Kate Kane est plus simple. Il y a le passage dans une zone désertique où JHWIII semble rendre hommage à Jean Giraud sur la série Blueberry, en imitant son encrage.

Ce tome correspond à l'affrontement entre Batwoman et Medusa, jusqu'à une résolution satisfaisante. JHWIII et Blackman déroulent plusieurs phases, la première étant de remonter jusqu'à elle. Ils intègrent plusieurs nouveaux personnages disposant tous d'une incroyable personnalité grâce à leur présence visuelle à chaque fois soignée, avec chacun un environnement spécifique lui aussi pleinement réalisé. Rien que de ce point de vue, le récit fournit un divertissement de bon niveau. La présence de Wonder Woman permet aux scénaristes de faire ressortir la personnalité de Batwoman, s'étonnant de pouvoir côtoyer une demi-déesse. Toutefois cet aspect de la narration reste assez convenu, sans réelle interrogation sur les conséquences de cette confirmation de l'existence de Zeus et de sa cohorte.

Trevor McCarthy réalise un épisode de bonne facture, mais qui ne peut pas rivaliser avec le travail de JH Williams III. Par comparaison, ses pages paraissent fades et sages.

Dans la même optique, la voix intérieure de Diana peine à convaincre, à porter une personnalité étoffée. Par contre JHWIII et Blackman réussissent à reproduire la version de Wonder Woman telle que récrée par Brian Azzarello et Cliff Chiang dans le cadre de la remise à zéro de New 52 (à commencer par Liens de sang). Ils s'avèrent beaucoup plus habiles à développer leurs propres personnages. En particulier l'épisode zéro est une grande réussite dans la mesure où ils exposent comment l'ensemble du parcours de Kate Kane a contribué à sa décision de devenir Batwoman, à l'opposé d'un moment choc et révélateur de nature artificielle. Ce qui est tout aussi appréciable est qu'ils montrent que la guérison de Bette Kane n'a rien d'une évidence. Elle doit faire face aux séquelles psychologiques de sa blessure et trouver comment les surmonter. Maggie Sawyer bénéficie également d'un très beau moment émouvant, quand elle doit faire face aux parents des enfants disparus, que tous ses efforts n'ont pas permis de retrouver. Williams et Blackman ne jouent pas dans le registre du pathos larmoyant ou des émotions théâtrales. Ils montrent comment cette femme doit gérer et accepter cet échec professionnel. Même pour les pièces rapportées comme Pégase (une version très personnelle), ils développent son drame personnel en faisant apparaître sa principale préoccupation (comment meurt un immortel ?).

Dans ce troisième tome, J.H. Williams III et W. Haden Blackman prouvent qu'ils savent où ils vont, qu'ils ont conçu une intrigue bien pensée, et qu'ils sont investis dans leurs personnages. La rencontre entre Batwoman et Wonder Woman ne tient pas ses promesses en termes de connivence ou de développement de leur amitié. Par contre, les personnages principaux (Kate Kane, Maggie Sawyer, Bette Kane) s'étoffent grâce à des scènes édifiantes sur leur personnalité. JHWIII est impérial de bout en bout, réalisant des illustrations d'une facture tellement exceptionnelle qu'elles en deviennent parfois trop sophistiquées par rapport aux propos du récit.
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