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Critique de LeScribouillard


Quoi ? Hein ? Vous me demandez mon avis sur ça ? Bon, si vous y tenez vraiment... Est-ce que vous auriez juste l'obligeance de me passer la bouteille de vodka qui est à votre droite ? Oui, celle à 20°. Aromatisée au piment.
Bon sang ! On les boit cul sec de plus en plus facilement, ces petites saloperies ! "L'Arcane des Épées", donc, de Tad Williams, pour peu que vous vous intéressiez un peu à la fantasy, vous en avez forcément entendu parler un jour, et c'est resté gravé là, dans votre subconscient. Je vous avoue que j'étais plutôt optimiste quand je l'ai pris à la médiathèque, et puis aussitôt après j'ai senti que quelque chose n'était pas comme il fallait. On nage dans le médiéval cliché et le ta-gueule-c'est-magique. le rythme est lent, la moitié des personnages chiante à en mourir, les péripéties sans intérêt...
Et puis d'un autre côté, je me suis demandé si je n'avais pas cette opinion sur ce livre parce que j'étais placé dans des circonstances qui faisaient que j'avais des désirs différents vis-à-vis de l'histoire, mais que je l'aurais appréciée dans d'autres circonstances. Robert Jordan, il a des personnages qui évoluent bien, mais on peut pas parler d'originalité ; et il met des arcs narratifs inutiles en apparence lui aussi, sauf que même si on doit s'en rendre compte plus de 500 pages plus loin, c'est jamais pour rien. Et Raymond E. Feist ? On peut pas dire que Midkemia soit son chef-d'oeuvre, mais c'est justement pour ça que j'avais choisi de lire "Les chroniques de Krondor", à l'époque : parce que je recherchais une fantasy old school à la Tolkien sans trop de trucs tordus à l'intérieur (bon, pour ce dernier point... faudra repasser - mention spéciale à l'attaque des morts-vivants dans le bordel du tome 3 qui m'avait traumatisé -).
Sauf que deux choses.
Premièrement, je le répète, Jordan ne fait jamais d'arc narratif inutile. JA-MAIS. Ici, c'est contestable. Il y en a plein de mini- et de micro- qui grouillent dans les 200 premières pages au lieu de faire commencer tout bonnement l'intrigue principale. Celui sur Sangfugol (qui est pourtant de loin un des êtres les plus stéréotypés du bouquin), rien à dire. Celui sur Malachias, je suis pour : ça permet de montrer à Simon que les enfants de son âge meurent eux aussi de la famine, et il apprend qu'il y a des choses plus graves que ses petites querelles avec les autres gamins. Mais celui de frère Cadrach, bof. Il est justifié car ce personnage réapparaît dans la deuxième partie, mais cet arc est lui aussi grosso modo inutile. Il aurait suffi que Simon erre sans se retrouver à ce village qui ne fait absolument pas avancer l'intrigue. OK, je suis quasi-sûr que Cadrach réapparaîtra dans les tomes suivants, mais on aurait pu le faire plus tard dans le récit tellement ça allonge des morceaux déjà très peu passionnants... Et les chansons... Putain, les chansons ! Dans Tolkien, il y en a déjà pas mal, mais là, on en ramasse à la pelle ! On en bouffe ! Rien que d'y penser, je crois que je vais avoir besoin d'une autre piquette pour tenir... Oui, le tonnelet de corococo, là...
Deuxièmement, pour en revenir à nos moutons, Midkemia est un monde pauvre à la base, c'est indéniable. Sauf que très vite dès le tome 1, des facteurs exotiques sont apparus avec Kelewan, ce qui je dois l'avouer à l'époque m'avait choqué. Mais je n'avais pas été choqué par l'exotisme en lui-même, mais par le fait qu'il ait semblé bon à l'auteur pour l'introduire de prétexter qu'il provenait forcément d'un autre monde, comme si un monde médiéval ne pouvait pas avoir des continents qui ne l'étaient pas. Dieu merci, il s'est rattrapé ensuite avec Winet et Novindus. Donc, le monde de Feist est bien médiéval, mais il a su introduire beaucoup d'exotisme ainsi que développer autour son petit sense of wonder. Or le problème est que le monde de Tad Williams ne possède PAS d'exotisme.
N'allez pas croire que j'ai quelque chose contre le médiéval-fantastique ; mais j'estime que cet archétype est tellement éculé que si l'on veut encore en créer, il faut ou bien l'aborder dans une optique la plus réaliste possible (cf. "Renégat", que je me procurerais une fois que j'aurais fini le tome 1 du "Trône de fer"), soit l'explorer d'une manière particulièrement originale (toujours dans les principes de "Renégat", donner une tonalité dark fantasy au cycle arthurien ; ou encore tenter de décrire l'évolution d'un ordre similaire sur plusieurs siècles avec des personnages et des éléments surnaturels particulièrement fouillés ; voire même, pourquoi pas ? le transposer dans un cadre oriental ou sinisant). Certes, "L'Arcane des Épées" a l'excuse d'être parue à une époque où sa surexploitation n'était pas aussi poussée qu'aujourd'hui. Mais tout de même ! Remplacez Jésus par Aédon, les Vikings par les Rimmersleutes, Robin des Bois par Mundwode, Sedna par Sedda, les Inuits par les trolls, et qu'est-ce que vous avez au final ? Un roman à l'univers calqué sur le notre, trop fainéant pour se documenter et faire dans la fantasy historique, et donc condamné à être le notre en demi-teinte. Si encore la religion monothéiste s'inspirait du catholicisme pour aboutir à quelque chose de totalement différent, à la manière de ce que j'ai pu lire de K. J. Parker ou de Laurent Vanderheyden, si encore les gueux donnaient un peu moins dans le simplet et les nobles dans le pompeux, si encore les descriptions censées rendre le monde authentique ne plombaient pas autant le tout, on ne se serait pas cru dans un épisode du "Chevalier de Pardaillec" réalisé par Tommy Wiseau. Certains auront trouvé le tout trop pompé sur Tolkien, mais comme je l'ai précédemment dit, lui ne faisait pas dans le médiéval autant qu'on le lui prête. Non, le copiage est ailleurs. Car quiconque s'est intéressé un minimum à la géographie tolkienienne ne manquera pas de s'étonner des curieux "emprunts" de noms de certains lieux : le Westfold, la Khandie... Sans parler de ce style comme je le disais s'épuisant à donner dans le détail inutile.
Vous me trouvez cruel ? Et pourtant, vous savez à quelle page j'ai su que c'était foutu pour le background ? La 15 seulement ! Pour la bonne raison qu'on nous indique qu'on est dans le mois de novandre. Passe encore que les personnages aient un calendrier pratiquement identique au notre (Feist, là encore), mais là, c'est juste ridicule de prétendre avoir créé un monde original juste en changeant légèrement le nom des mois : et on se retrouve avec des dersandre, jonoeuvre, mirris... avrel !
Pourtant, s'il y a bien quelque chose qui sauve un peu l'ensemble, c'est bien cette fameuse plume quand bien même elle est lente et descriptive. Car elle est aussi subtile, plus subtile que celle de Jordan, et capable de nous donner tout comme lui des personnages très peu manichéens. Un autre aspect que j'ai beaucoup apprécié, malgré cette grosse impression de déjà-vu, est le personnage du troll Binabik, quelque part entre Tom Bombadil et Maître Yoda. Mon âme d'enfant, sans doute...
Du reste, si "L'Arcane des Épées" paraîtra extrêmement barbante pour le néophyte, elle n'a pas à rougir de son aspect politique : en effet, pour "Le trône du dragon" au moins, nous sommes dans de la court intrigue fantasy, un sous-sous-genre prêtant une importance toute particulière aux complots et machinations au sein d'un même royaume. le prince Élias se veut un monarque avec l'aura de son père mais n'y parvient pas ; la famine gronde et personne ne parvient à l'arrêter ; et au fait, si le bon roi Jean avait été un vrai salaud dans sa jeunesse, tout droit sorti de "Game of Thrones" ?
Alors, "L'arcane des Épées", moteur diesel ou énième saga insipide ? L'avenir nous le dira. Toujours est-il que les éditeurs français lors du découpage de la VF ont au moins eu la décence de conclure ce tome 1 par un cliffhanger.
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