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Critique de oblo


oblo
23 septembre 2019
Bye bye bayou titre, ironiquement sans doute, Charles Williams. Car on ne quitte pas le bayou si facilement, et Williams en apporte une preuve dans ce roman noir publié en 1951. Dans le sud des Etats-Unis, Jack Marshall officie en tant que shérif adjoint dans une petite ville. Il a de la loi une vision qu'aurait sûrement désapprouvé son père, juge dans cette même ville, car Marshall collecte au nom du shérif les pots de vin versés par les établissements de jeu et d'amour de la ville. Avec son épouse Louise, il forme un couple qui n'est pas des plus amoureux et, quand il le peut, Jack s'en va pêcher dans le bayou. Lors de l'une de ses sorties, il remonte sur le fleuve plus loin qu'il ne le fait d'habitude, et croise le bateau d'un homme dont le visage lui dit quelque chose. Quelques heures plus tard, Jack commet une erreur de débutant et s'enfonce l'hameçon de sa ligne dans le dos. Pour s'en libérer, Jack décide de remonter le fleuve pour trouver le camp de l'homme mystérieux. Sur place, il ne trouve point l'homme, mais plutôt sa femme, dont l'étrange beauté bouleverse Jack. Après quelques échanges, voilà la belle dans l'esprit de Jack qui, certes, se trouve libéré de son hameçon, mais pas de l'emprise qu'exerce déjà sur lui la jeune femme.

Bien vite naît un fort sentiment amoureux entre Jack et Doris - c'est la jeune femme - et les raisons de la présence du couple - l'homme mystérieux, qui s'appelle Shevlin et Doris - s'éclaircissent. Shevlin est recherché pour on ne sait quelle raison, il est alcoolique et Doris en a peur. Coincée dans le bayou, elle était comme la princesse enfermée dans son donjon, attendant le prince charmant. Certes, Jack est arrivé mais le conte de fée s'arrête là. Jack imagine un plan pour enlever la jeune femme et partir ainsi, à deux. Naturellement, les choses ne vont pas se passer comme prévu et Jack tue Shevlin. de là s'engage une narration basée sur une mécanique simple : survient une péripétie ou un problème que Jack va tenter de résoudre, laquelle résolution débouchera sur une nouvelle péripétie ou un nouveau problème.

Cette succession de chausse-trappes entretient la dynamique du récit, qui tend tout entier vers une fin que l'on espère, jusqu'au bout, heureuse pour Jack et Doris. Car Jack, en tuant Shevlin, se place dans la position de l'assassin et l'amour naissant entre lui et Doris ne plaide pas pour l'absence de préméditation. Ce qui devait être un simple rapt amoureux - technique naguère utilisée par les jeunes hommes pour épouser leurs amoureuses qui ne leur étaient pas promises - se transforme alors en cavale. Charles Williams complique encore les choses en construisant, en parallèle, un second problème qui touche là à la profession de Jack, et à la curieuse manière (il faut se rappeler les pots de vin !) qui a de l'exercer. Car dans la ville un prêcheur nommé Soames dénonce les lieux de débauche et ceux qui les protègent (en un mot : le shérif, Buford, et son adjoint, Jack) et les événements vont, là aussi, se précipiter. Jack expulse de la ville une jeune prostituée d'une quinzaine d'années, laquelle est recherchée jusque dans le bordel par son propre père. Celui-ci, ivre de rage, blesse la mère maquerelle : le scandale menace alors d'éclater.

Ainsi rattrapé par ces deux affaires, Jack va tenter de garder la tête froide pour la ressortir haute, et surtout libre, imaginant de nombreux stratagèmes pour pouvoir vivre son amour avec Doris, quitte à entâcher quelque peu sa réputation. Clairement, Jack Marshall apparaît comme le stéréotype du hard boiled, le dur à cuire, sans cesse éprouvé et sans cesse débordant d'imagination. Si Marshall se trouve à la frontière entre le bien et le mal, légalement parlant, sa conduite est dictée par l'amour qu'il éprouve pour Doris, incarnant alors les valeurs viriles de l'homme prêt à tout pour défendre son foyer. Physiquement, l'homme en impose mais c'est davantage par son esprit qu'il impressionne, pouvant tour à tour maquiller une scène de crime, penser une logistique de fuite et s'attacher les services de son shérif, homme pourtant froid et qui ne lâche pas des yeux ses propres intérêts. Dans le genre, Charles Williams réussit son coup : il écrit une histoire digne d'un scénario de film, avec une intrigue qui place l'amour au centre, une ambiance chaude et moite et des rebondissements nombreux. Ici, Williams ne prend pas prétexte d'une rencontre amoureuse pour décrire les côtes sombres de la société : non, plus simplement, il en fait le noeud d'une fuite en avant, qu'il met en scène savamment pour laisser croire qu'elle peut bien se terminer. Bye bye bayou dit le titre : pas si simple et, surtout, pas si sûr.
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