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Critique de seshat123


Ce recueil de Tennesse Williams réveille tous vos sens. Il est un peu comme une réminiscence de la Nouvelle-Orléans : moite, chaud, sensuel, transpirant d'interdits, telle une larme de sueur faisant son chemin au creux d'un décolleté ; dangereux, nocif, entêtant, enivrant, tel un verre d'alcool ambré sous un soleil de plomb.

Onze nouvelles à la découverte de marginaux et de thèmes chers à T. Williams ; si elles sont de qualité et de longueur inégales, pour toutes j'éprouve une grande admiration pour sa plume. Deux d'entre elles, seulement deux, m'ont laissée sur le bord du chemin, incapable d'en saisir le sens et la beauté. le temps d'une nouvelle, Williams met en lumière les exclus de l'Amérique, les êtres maudits, les vagabonds, les criminels, les dingues, les frustrés – prêtes ou vierges – la pauvreté, l'alcoolisme, l'homosexualité qu'il faut taire, les obsessions, la névrose, la folie... Il dissèque le genre humain, guidant notre regard là où le bât blesse. Ses histoires finissent mal, dans la mort, le viol, la solitude. Pourtant le regard qu'il porte sur ces exclus n'est pas cruel, pourquoi le serait-il ? La vie se charge de l'être avec les fous, les faibles, les maudits, ceux qui ne rentrent pas dans le moule étriqué de l'Amérique bien pensante de son époque.

L'air du sud y est brûlant, tout comme ses personnages, autodestructeurs, moralement peu recommandables ; sont-ils à l'image de l'auteur ?? Dans ce recueil, on retrouve toutes les obsessions de l'oeuvre de T. Williams, ce que la société considérait comme ses propres démons : drogue, alcool, homosexualité, mais aussi le poids de la religion, la dictature de l'argent… On y croise également une chatte, Nitchevo, un petit RIEN qui débute avec un ronronnement et qui finit noyée toutes griffes dehors. Et oui même cette pauvre bête n'est pas épargnée.

Onze nouvelles que vous vous devez de lire pour aller à la rencontre d' :
• un boxeur manchot : 5 étoiles pour cette première nouvelle, elle est juste sublime. Un jeune boxeur « blond, d'une virile et tendre beauté » et sa descente aux enfers après la perte de son bras, de la prostitution à la prison pour meurtre
• Nitchevo la chatte et son compagnon d'infortune un ouvrier esseulé
• les derniers jours d'un poète maudit dans sa bicoque en bois sur une plage, comme une rêverie alcoolisée
• un prêtre fou et une sainte sur un toit perchés
• un masseur noir, un blanc insignifiant (insipide?), l'expiation du masochisme au cannibalisme
• une vierge recluse dans sa chambre avec ses bibelots en verre à la recherche de l'homme parfait ? Non, de taches de rousseur
• « la violence et la laideur du désir devenu rage » de deux jeunes en quête de sens
• la vie d'une pension – solitude, pauvreté, homosexualité, maladie – sous l'oeil d'un ange gris
• un poète paumé et une fille pas si sage à la recherche du frisson, une nuit dans un champ de fleurs bleu pâle
• une vielle toquée, vierge, trop curieuse qui s'ennuie et un iguane à sauver
• l'enfant ensorcelé de la fille du pasteur échouée dans les lieux de perdition de New-Orleans

Voilà la galerie de portraits de ce recueil, l'univers sombre et chaotique où T. Williams nous plonge, mais ces maudits, ces inadaptés, qu'il dépeint si justement, qu'il fait souffrir page après page, ne font jamais pitié. Ils sont sacrifiés à notre folie, nous autres les adaptés. Sa façon de mettre en lumière, sans concession mais sans cruauté, les êtres « différents » pour nous rappeler nos limites et faiblesses me fait penser au travail de Diane Arbus. L'étrange c'est peut-être nous, avec notre besoin de conformité.

PS : 4,5 étoiles et non 5, je ne pardonne pas à T .Williams de m'avoir abandonnée par deux fois sur le bord de la route. Une première fois, toute perdue, suite à la «  chronique d'une disparition » (d'ailleurs si quelqu'un peut m'éclairer ?) une seconde, atterrée, écoeurée et perplexe suite au « masseur noir ».

RePS : Ceci est ma centième chronique publiée sur le site de Babelio. J'avais gardé bien au chaud cette bafouille, humble hommage au talent vertigineux de T. Williams. Merci de m'avoir lue et d'ailleurs merci pour tous vos « j'aime », vos commentaires depuis tout ce temps (Onze ans, ONZE !! La boucle est bouclée hi hi)
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