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Critique de cecilit


Qu'ont en commun Armande Béjart, Adrienne Lecouvreur, Mademoiselle de Camargo, Justine Favart et Mademoiselle Clairon ? D'ailleurs, hormis la première, connue essentiellement pour avoir été la femme de Molière, qui sont ces femmes et qui les connaît encore ?

Le titre de cet ouvrage nous donne bien sûr la réponse - toutes ont été des grandes actrices aux 17ème et 18èmes siècles, des égéries, des muses, des femmes de scène idolâtrées qui ont attiré des foules de spectateurs admirateurs et inspiré de grands dramaturges mais aussi des femmes autoditactes, courageuses, véritables cheffes d'entreprise pour certaines.

Et pourtant malgré l'engouement qu'elles suscitaient, malgré le divertissement qu'elles apportaient, malgré le respect qu'elles inspiraient auprès de grands dramaturges, ces artistes ont eu à subir l'hostilité de l'Eglise envers le théâtre.

Cette hostilité remonte à des temps très anciens, nous explique en détails Hugh Noël Williams, historien anglais diplômé d'Oxford, qui rapporte qu'au IVème siècle un prêtre alla jusqu'à déclarer que "la comédie est pire que le blasphème, le larcin, l'homicide et tous les autres crimes"... et que "le spectateur est le complice de l'acteur"... Ainsi, aucun comédien (terme incluant les mimes, les jongleurs, les acrobates, les gladiateurs, les conducteurs de chars et, de fait, tous les intervenants en public) ne pouvait être reçu dans l'Eglise s'il ne s'engageait à renoncer à sa profession, sous peine d'être exclu du baptême et de l'absolution.

Quand l'Europe devint chrétienne, ces canons cessèrent d'être appliqués, mais non abrogés, dans tous les pays, sauf un... la France. Une grande tolérance fut donc accordée aux comédiens jusqu'à la fin du 17ème siècle. Ainsi si Molière fut baptisé et a pu se marier religieusement, il a été conduit vers le cimetière sans avoir le droit de passer par l'église à cause du scandale provoqué par son Tartuffe, pièce qui a réveillé avec violence les vieux préjugés de l'Eglise et durci encore davantage le traitement infligé aux comédiens ajoutant en plus le non droit au sacrement et à une sépulture chrétienne.

Comme l'indulgence variait d'un prêtre à l'autre, Armande, Marie, Adrienne, Marie-Anne, Justine et Claire-Joseph n'ont pas eu le même sort posthume.

Si Marie de Champmeslé, adulée par Racine, a pu recevoir l'absolution puis l'extrême onction et être enterrée à l'église Saint-Sulpice en présence de toute la Comédie Française, c'est uniquement parce qu'elle avait renoncé à sa profession de comédienne. En revanche, la grande Adrienne Lecouvreur, reine incontestée de la Comédie Française, adulée par Voltaire, n'eut pas le droit d'être enterrée dans un cimetière, même dans le carré réservé aux indigents et aux enfants non baptisés, et son corps fut enfoui dans un terrain vague près de Paris...

Outre ce point, essentiel puisqu'il stigmatisait les comédiennes et les comédiens d'alors, les assimilant à de quasi-prostitué(e)s et les plaçant hors de la société alors qu'ils en faisaient mille fois partie, et les obligeant à un choix impossible (résister et subir les conséquences des très sévères anathèmes de l'Eglise ou renoncer face à elle de peur de mourir sans être en paix avec le Ciel), l'ouvrage de Hugh Noël Williams nous livre aussi, dans le portrait de ces six grandes artistes, un très intéressant éclairage sur le théâtre français du 17ème et 18ème siècles. Ainsi, si l'auteur exploite le parcours de chacune, il nous explique également qu'elles ont été à l'origine de l'évolution du jeu scénique vers plus de naturel, mais aussi de la réforme des costumes et des décors.

J'ai été particulièrement touchée par le portrait d'Adrienne Lecouvreur, la plus sympathique dans l'histoire des actrices françaises, dixit Hugh Noël Williams, femme sensible et ayant connu une fin tragique. La forte et impétueuse personnalité de Mademoiselle Clairon m'a bien fait sourire.

Merci à la Masse Critique de Babelio et aux éditions Omblage de m'avoir permis de lire cet excellent ouvrage. Et quelle bonne idée de la part de cette maison d'édition de l'avoir réédité.









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