Ne t'endors pas

Personne ne se pose jamais la question de savoir ce qui se passe au plus profond de la nuit, et c’est là tout le cœur du problème. Personne ne s’intéresse à toutes ces choses qui s’agitent quand le monde entier est plongé dans l’insouciance. Un inconnu qui se tapît dans l’ombre, qui s’accroupit sous une fenêtre, ou qui tourne la poignée d’une porte déverrouillée. Un animal en chasse, du sang chaud dégoulinant de ses crocs, après s’être repu de la chair de sa proie. Nous partons du principe que le reste du monde s’endort en même tant que nous. Et le lendemain matin, nous attendons à le retrouver dans le même état que la veille, intact, sans changement. Comme si la vie se mettait en pause uniquement, parce que nous en avons pris une.

Car s’il y a bien quelque chose que personne, ne vous dit, quand votre enfant vient à disparaître, c’est bien celle-ci : il ne meurt jamais tout à fait. D’une certaine façon, son absence le rend immortel. Il est toujours là, quelque part, mais hors de vue. Vivant à jamais dans votre esprit, il est exactement le même qu’au moment où il vous a quitté.

Notre vie était comme une photo retouchée : trop belle pour être vraie.

Certains de ces passagers vont à un mariage, à des funérailles ; d’autres sont en voyage d’affaires, ou se sont payé une virée clandestine réglée en liquide. Et parmi eux, quelques-uns ont des secrets. Tous autant qu’ils sont, en réalité, en ont, mais une poignée seulement garde de gros secrets. Des secrets, bien sombres. Des secrets obscurs, sinistres, effroyables, qui rampent, sous la surface de leur peau, circulent dans leurs veines et se répandent comme une infection.