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Critique de Annabelle19


Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour m'avoir donné l'occasion de lire ce roman de Don Winslow que je n'aurais jamais songé à me procurer par moi-même. Et j'aurais loupé quelque chose.
Ma première réaction lorsque j'ai reçu le colis a été de m'extasier sur la grosseur du pavé. 700 pages, ça fait quand même un sacré bouquin. J'ai eu peur, alors, de m'ennuyer à un moment ou à un autre, de m'engluer dans une histoire peut-être trop dense. Et puis, j'ai commencé ma lecture, et toutes mes craintes se sont envolées. Cartel est un roman que j'ai envie de qualifier de magistral tant il est bien écrit, bien dosé, prenant de bout en bout, j'ai même envie de dire addictif, ce qui est un comble pour un roman sur la drogue.
Attention, critique un peu longue en approche.

Parlons un peu de l'histoire : c'est la suite de la Griffe du chien, que je n'ai pas lu, mais on s'y retrouve assez vite même en ayant pris le train en marche. ça commence comme une lutte entre deux hommes : d'un côté, Adan Barrera, ancien baron de la drogue Mexicaine qui tente de reprendre son trône, de l'autre, Art Keller, un agent de la DEA qui est obsédé par sa traque dudit criminel. Et puis, très vite, le spectre s'élargit. On s'intéresse d'abord au fonctionnement des cartels du Mexique, les différentes familles influentes, les différents groupes qui contrôlent différents territoires clés... L'auteur nous met dans le bain sans se précipiter pour qu'on ne s'embrouille pas.
La drogue en elle-même n'est finalement pas souvent évoquée : tout est en réalité une question de business et, surtout, de pouvoir pour ces chefs de gangs qui rivalisent pour s'approprier les villes frontières du Mexique.
Pareil pour Keller : ce n'est pas la morale qui l'étouffe et il n'est pas tant concerné par les flots de drogues qui inondent les États-Unis en provenance du Mexique que par la traque de son ennemi Barrera.

Cartel est une plongée très immersive dans cette bien triste histoire du Mexique, qui s'étale sur huit ans et prend le temps de vraiment nous faire comprendre comment les choses fonctionnent et quels sont les enjeux pour les différents camps. On prend aussi le temps d'apprendre à connaître les personnages, qui sont nombreux, et c'est un très gros plus. le roman ne cesse de se pencher de près sur tel ou tel protagoniste, de nous faire voir son point de vue de la situation, avant de revenir à un angle plus large.
On va rencontrer des victimes des cartels, des gens qui tentent de le combattre ou simplement de survivre, des criminels de toute sorte, du psychopathe impitoyable et cruel au businessman qui tente de mener sa barque, en passant par les avides de pouvoir et ceux qui se sont simplement retrouvés propulsés dans ce milieu malgré eux. le roman ne nous présente pas seulement les acteurs les plus importants de ce récit, mais aussi d'autres personnages plus bas sur l'échelle, mais qui permettent de voir la guerre des cartels sous l'angle de ceux qui en sont à la périphérie et la subissent (je pense notamment à des personnages comme Marisol et Pedro, tous deux magnifiques dans leur courage face à une guerre qui les dépasse. La dernière partie sur Pedro est juste bouleversante). En 700 pages, on a le temps de s'attacher à ces personnages (même les plus mauvais, j'ai bien aimé Eddie Ruiz et Adan Barrera avait lui aussi quelque chose de touchant), et lorsque certains d'entre eux meurent, ce qui arrive forcément à beaucoup d'entre eux, c'est l'histoire de personnes dont le métier réduit considérablement l'espérance de vie, ça nous met parfois un vrai coup au coeur.

ça m'a fait penser à la série Breaking Bad parfois, tourné sous un autre angle (le marché de la drogue, les rivalités entre gangs, l'escalade de violence...). D'ailleurs, le roman est un peu construit comme une série télé, avec des chapitres d'une vingtaine de pages qui nous éloignent régulièrement de Keller et Barrera pour aller voir ce qu'il se passe un peu plus loin. Avec beaucoup de personnages qui ont tous leur importance.

C'est fascinant de voir comment, peu à peu, les "gentils", ceux qui tentent par tous les moyens de stopper la corruption, sont forcés de devenir comme ceux qu'ils pourchassent, des meurtriers, impitoyables. La guerre entre cartels et justice devient alors simplement une guerre entre deux camps aussi brutaux et amoraux les uns que les autres. La seule différence, qui subsiste est que les uns font ça pour l'argent et le pouvoir, et les autres parce qu'ils considèrent que c'est juste, et le seul moyen de faire revenir la paix au Mexique.

En conclusion (oui, enfin), un roman sincèrement passionnant jusqu'à la fin, avec un rythme très bien géré compte tenu de la longueur de la chose, des personnages très justes et bien écrits. C'est souvent dur à lire, aussi, parce que les violences faites à la population mexicaine sont glaçantes, des innocents sont torturés et tués, massacré avec barbarie parfois sans raison. Et impossible d'oublier que tout cela se base sur des faits réels : la guerre des cartels existe bel et bien au Mexique.
Je recommande chaudement et j'ai envie de me trouver la Griffe du chien, maintenant, simplement pour retrouver la même ambiance intense de lecture.
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