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Critique de florigny


Le faussaire de Salt Lake City raconte la vie de Mark Hofmann, escroc, falsificateur, imitateur au palmarès inégalé, meurtrier postmoderne qui a déconstruit – entre autres innombrables facéties - le langage et les mythes de la secte mormone qu'il abhorre, pour en faire vaciller les fondements théologiques mensongers. Simon Worrall, vrai journaliste aux références vérifiables démêle dans cette enquête le vrai du faux en combinant son acuité journalistique et son talent de conteur hors pair dans un reportage littéraire de très haut vol, qui se lit comme un thriller haletant. J'ai été entraînée avec délices dans un tourbillon érudit touchant à des domaines aussi variés que l'histoire de la secte mormone, l'art, la bibliophilie, la graphologie, l'imprimerie ; ou encore au cercle confidentiel des grandes maisons de ventes aux enchères faisant souvent preuve d'une inattention coupable dans l'authentification de documents, surfant avec ruse ou incompétence sur cette ambiguïté : Rien ne prouve l'authenticité mais rien ne prouve le contraire. Qui croire dans ces conditions ? Les experts sincères qui pensent avoir mis le grappin sur un authentique chef-d'oeuvre ou d'autres qui savent la contrefaçon si parfaite que personne ne verra la différence ? Bienvenue dans le monde merveilleux des illusions...


Quelle que soit la réponse, si Mark Hofmann est devenu un escroc accompli et un génial faussaire doublé d'un bonimenteur virtuose, c'est bien sûr grâce à ses talents d'imitateur mais aussi parce qu'il comprend les mécanismes de la cupidité, de la duplicité, et qu'il sait que si les contrefaçons ont un tel succès, c'est parce qu'elles racontent aux gens ce qu'ils ont envie d'entendre. Les clients possèdent un puissant désir de croire en ce qu'ils achètent - même sans valeur- entretenu par les belles histoires romanesques d'anonymes trouvant un Leonard sous une croûte ou une lettre inestimable de George Washington dans des papiers familiaux à jeter. Les histoires de trésors enfouis font toujours rêver et flattent cette part humaine qui croit à l'influence de dame fortune, de la magie et du hasard, des concours de circonstances.


Toutes les exactions commises par Mark Hofmann ne pouvant être décortiquées, l'auteur en a retenu quelques-unes parmi les plus emblématiques, particulièrement celle concernant un faux poème d'Emily Dickinson, créé de toutes pièces, ayant de justesse failli causer la ruine et la honte de la bibliothèque d'Amherst – où vivait Emily - qui s'en était portée acquéreur lorsque Sotheby's l'a inscrit à son catalogue. Mark Hofmann a non seulement trouvé la bonne encre et le bon papier, imité l'écriture d'Emily, mais il a en plus cloné son art, rendant crédible le poème inventé. Il est entré dans son esprit et s'est approprié son fonctionnement.


Au final, j'ai passé un excellent moment instructif et distrayant grâce au style soigné, au texte organisé et clair de l'auteur qui rend passionnante la vie d'un faussaire multi-tâches, et ludique la découverte de branches techniques spécialisées comme la graphologie ou la typographie. J'invite les futurs lecteurs à ne pas refermer cet ouvrage avant d'être parvenus à la lecture de l'Ours – dernière page -, qui prouve si cela était utile l'humour des Editions Marchialy. le site de cette jeune maison d'édition est également un régal iconoclaste. J'ai particulièrement apprécié la légende drôlatique de cette famille, dont le premier aïeul connu apparaît en 1703 :-)). La ligne éditoriale fixée est la publication d'histoires réelles bien qu'invraisemblables, la littérature sans fiction, le journalisme narratif ou le reportage littéraire, rubriques méritant un regard attentif ! Merci à cet éditeur ainsi qu'à Babelio pour cette lecture très appréciée.
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