AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Bruce Wayne se tape un méchant cauchemar dans lequel il rencontre le Joker une fois de trop. Batman massacre le Joker à la hache, mettant un point final à ses exactions. de retour dans le monde éveillé, Batman est attaché par les poignets à une canalisation dans les égouts. Il a été capturé par des sans abris et emmené pour être endoctriné par un fanatique religieux : Joseph Blackfire. Ce dernier possède la verve d'un télévangéliste et sa mentalité. Il prêche la foi en Dieu pour donner Gotham aux déshérités, aux laissés pour compte du système, à ceux qui n'ont pas pu prendre l'ascenseur social. L'objectif de Blackfire est de soumettre la volonté de Batman en appliquant des méthodes de secte : privation de nourriture, coupure d'avec ses proches, endoctrinement forcé, usage de stupéfiants pour briser sa résistance, etc. Entre 2 séances de lavage de cerveau, l'un des sbires de Blackfire raconte son histoire à Batman : comment Blackfire était déjà en activité quand les premiers colons sont arrivés en Amérique. Batman finit par être rongé par le doute quant à ses propres méthodes et leur efficacité relative pour changer la société en profondeur, et par le doute quant au fait que Blackfire a peut être raison sur les moyens à utiliser pour rendre la société plus juste. En tout état de cause, il a perdu son esprit combatif. Blackfire a réussi à organiser les sans abris en une force de frappe efficace en les galvanisant par des propos réactionnaires et bientôt Gotham tombe aux mains de ces miséreux. Même l'intervention de Robin n'arrive pas à sortir Batman de son abattement devant ses échecs.

En 1986, The Dark Knight Returns (DKR en abrégé) de Frank Miller donne une vision intense, inédite et remarquable du personnage de Batman. Les fans sont comblés, les responsables des 2 séries mensuelles sont angoissés : qui va oser écrire les aventures mensuelles de Batman ? Quel que soit cet inconscient, il sera comparé à Frank Miller, et il est certain qu'il ne pourra pas faire aussi bien. Pour autant, il faut absolument profiter de ce renouveau d'engouement pour le personnage. C'est John Wagner et Alan Grant qui s'y collent sur "Detective comics" (en février 1988), et Jim Starlin sur "Batman" (en décembre 1987). Peu de temps après son arrivée sur la série mensuelle, Starlin a le droit de réaliser une minisérie en 4 épisodes intitulée "The Cult" initialement parue en 1988.

L'influence de DKR est manifeste à la fois dans le scénario et les dessins. Batman a un aspect massif et très musculeux. Les pages regorgent d'extraits d'émissions de télévision (essentiellement des infos). La criminalité des rues est devenue plus cruelle et plus violente. Les méthodes de Batman se durcissent également. Mais bien sûr, Jim Starlin ne sait pas rédiger des dialogues aussi percutants que Miller et les illustrations de Bernie Wrightson n'ont pas l'impact visuel de celles de Miller. Pour autant "The Cult" n'est pas qu'une copie fadasse des aspects les plus saillants de DKR.

Jim Starlin utilise une idée intéressante (à défaut d'être nouvelle) mettre Batman dans une posture où sa force de caractère a été anéantie. Comme toujours, ce qui donne toute sa saveur à cette histoire, c'est que le méchant est vraiment réussi. Starlin ne se contente pas de créer un homme de Dieu qui se vautre dans le luxe aux dépends de ses fidèles ; il lui donne la logique des télévangélistes, leur charisme et leur foi. Deacon Blackfire n'est pas dupe de du jeu qu'il joue, mais son cynisme n'est pas incompatible avec sa foi. Alors bien sûr certains passages à la manière de Frank Miller sonnent faux parce que seule la forme est reproduite, pas le fond. Mais d'un autre coté, le scénario place Batman dans une position désespérée où il est vraiment en danger avec une logique narrative solide.

Cette histoire marque aussi le retour de Bernie Wrightson aux dessins pour une histoire longue. Cet illustrateur avait fortement marqué sa génération dans les années 1970 sur des titres d'horreur (essentiellement dans "House of Mystery" et "House of Secrets"), dans les premiers épisodes de la série Swamp Thing (réédités dans Roots of the Swamp Thing) et des planches d'illustration maniaque pour le livre de Mary Shelley (Frankenstein, or the Modern Prometheus). Il a donc effectué son retour à la fin des années 1980 avec cette histoire de Batman, puis une histoire de Superman (The Weird, rééditée dans Mystery in Space with Captain Comet 2) et une histoire du Punisher (P.O.V.). Autant être franc tout de suite, il n'est pas au meilleur de sa forme. Il a choisi un mode de dessins rapides, il a recours plusieurs fois au photocopiage pour éviter de redessiner des cases (une même case est reproduite une dizaine de fois sur la même page) et certaines mises en scène relèvent de l'infantilisme (Robin en train d'enfiler sa chaussure verte). Il a par contre de beaux restes pour ce qui est de la mise en page et du rendu des éléments les plus gothiques. Au final, les illustrations sont d'un niveau supérieur à la moyenne, mais très en deçà de ses travaux antérieurs. Bill Wray avait choisi une mise en couleurs audacieuse à base de couleurs primaires pétantes qui a heureusement été adoucie dans cette édition.

Cette histoire de Batman sort de l'ordinaire et est divertissante. Elle permet d'assister à une apparition intéressante de Jason Todd dans l'habit de Robin. Mais elle laisse un petit goût amer quand on pense à ce qui aurait pu être si ces créateurs avaient été dans une meilleure forme.
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}