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Critique de Osmanthe


Ah Q est un journalier illettré, bien connu dans la petite ville de Weizhuang. Cet homme a une fâcheuse tendance à s'en prendre aux plus faibles que lui : gens désoeuvrés qu'il n'hésite pas à tabasser, femmes qu'il cherche à tripoter…alors qu'il est mielleux et couard avec les plus riches et les puissants. A ce tempérament un poil bête et méchant s'ajoutent entre autres défauts, un orgueil démesuré, des tendances sado-masochistes, une mégalomanie certaine, un goût trop prononcé pour la bouteille, et un instinct de voleur !
Cependant, une certaine naïveté et son peu de pouvoir de nuisance le rendraient presque attachant, d'autant plus que ses aventures parfois truculentes au sein de cette petite ville mettent en lumière la médiocrité de la faune locale, les autres personnages n'offrant pas non plus une image absolument exemplaire avec leurs différents travers, en particulier une veulerie généralisée.

Parmi ces aventures, Ah Q va crier son envie de faire l'amour à la servante de son patron M. Zhao, et s'en trouvera battu et congédié, reviendra quelque temps après ayant apparemment fait fortune….mais on le soupçonnera très vite d'avoir volé les biens qu'il revend, pour s'être déjà fait piquer en train de voler des navets dans le potager du temple local…vol de biens qu'il avouera bêtement dans un moment d'abandon rêveur à l'alcool…La rumeur se répand, et Ah Q voit sa réputation définitivement entachée et devient personna non grata. Quand la révolution intervient en 1911, Ah Q croit encore jouer les opportunistes, mais il est rattrapé pour un vol survenu au domicile de la famille Zhao…

Pour le coup, le pauvre Ah Q est accusé à tort. Jeté en prison, il va boire le calice jusqu'à la lie en subissant l'humiliation de dévoiler son illéttrisme, et en ne parvenant pas à manier correctement le pinceau pour tracer ne serait-ce qu'un cercle parfait à la demande de ses juges…Dans sa naïveté, il ne comprendra que bien tard qu'on le conduit à la mort, et ne réussira même pas à offrir au peuple de Weizhuang le spectacle d'une belle exécution, comme en témoigne les dernières lignes du récit :
« Quant à l'opinion publique, elle fut unanime à admettre la culpabilité de Ah Q, car, disaient les habitants de Weizhuang, la preuve qu'il était un mauvais sujet, c'est qu'il a été fusillé ; s'il n'avait pas été mauvais, pourquoi l'aurait-on fusillé ? A la ville, l'opinion était que passer quelqu'un par les armes est bien moins spectaculaire qu'une décapitation. La plupart des citadins étaient mécontents. Et quel condamné ridicule ! On l'avait promené fort longtemps par les rues et il n'avait pas poussé le moindre air d'opéra. C'était bien la peine de s'être dérangé ! ».

Ecrit en 1921, ce récit est rythmé, et brille par sa causticité et son côté provocateur, Lu Xun brossant un tableau peu reluisant du tempérament de ses compatriotes et des institutions politiques de son pays, dans les temps troublés et instables qui suivirent la chute du dernier empire en 1911.
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