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La Véritable Histoire de Ah Q est une satire virulente et tragique de la société chinoise. La traduction de l'édition Sillages est fluide, agréable à lire.
La nouvelle, composée à la suite du mouvement du 4 mai 1919, est d'abord parue en feuilleton dans un hebdomadaire durant l'hiver 1921-1922 avant de paraître dans le recueil L'Appel aux armes ( le Cri) en 1923. Elle est écrite en langue courante," celle des tireurs de pousse-pousse et des vendeurs de lait de soja" et non en mandarin.
Dans le premier chapitre, l'auteur pastiche les biographies édifiantes de la noble littérature classique. Son héros n'a pas de nom ni de famille, on l'appelle "Ah" car c'est un préfixe courant et "Q" une lettre étrangère, un rond mal fini qui se termine en natte. Ah Q est un journalier qui vit dans un bled. Il est laid, naïf, alcoolique, mythomane, vantard. Et bête à manger du foin. Il tire gloire de se faire humilier et tabasser par son entourage en se considérant lui-même comme un insecte, une teigne, une vermine, ce qui lui permet de remporter une victoire morale sur le puissant qui le méprise. Il vit dans l'illusion de sa sagesse et fuit complètement la réalité. On dirait une version confucéenne de Don Quichotte. Il tabasse plus faible et plus pouilleux que lui, il boit comme un trou. Il ose toucher la joue d'une jeune bonzesse ce qui fait rire les autres poivrots mais elle le condamne à ne pas avoir de descendance, ce qui va le travailler. En effet, dans le chapitre 3 intitulé ironiquement La tragédie de l'amour, il entreprend la servante du riche propriétaire terrien pour lequel il travaille. Il s'agenouille et lui déclare sa flamme fort courtoisement : " je veux coucher avec toi ! Je veux coucher avec toi " Elle pousse un cri, c'est une chaste veuve, s'enfuit. Il reçoit évidemment une volée de coups de bambou puis il est condamné à verser de l'argent qu'il n'a pas. Il est alors contraint de vendre son unique veste, il perd son pauvre emploi et tout le monde se détourne de lui, y compris les moines qui l'hébergeaient jusqu'alors. Ah Q en est réduit à voler quelques navets dans le jardin du monastère. Mais, poursuivi par un molosse, il est pris sur le fait. Il décide de partir à la ville. Quand il revient, il est riche...
C'est un texte très riche. Il m'a fait penser à Candide de Voltaire pour son ironie mordante et décapante, sa composition en épisodes, son dé-zingage en règle de la bonne morale. Mais Lu Xun est plus sombre. Il critique très cruellement ses compatriotes, incapables d'être solidaires. Ils sont forts avec les faibles, faibles avec les forts. Lâches, méchants, prompts à rire du malheur des autres. On sent que l'auteur ne se fait pas beaucoup d'illusions sur ses contemporains. Dans la seconde partie de la nouvelle, plus sombre que la première, Lu Xun s'en prend à la "révolution" de 1911. C'est un mot seulement. Les riches, les lettrés s'en sortent, confortent même leur autorité grâce à la corruption. Les pauvres en profitent pour voler, piller et s'ils sont pris, c'est chacun pour soi. L'illettré signera d'un rond mal fini des aveux qu'il ne comprend pas. Et l'opinion publique unanime trouvera toujours que c'est bien fait pour lui.
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Je n'ai pas vraiment accroché à ce récit. Nous sommes plongés dans une période particulière de l'histoire de la Chine. Celle, au début du XXe siècle, de la fin de l'Empire des Qing et le début de la république de Sun Yat Sen. Donc des temps extrêmement troublés où les habitudes changent, les points de vue, les pensée également. Un nouvel état d'esprit se forme dans la population. Ce point de vue, nous l'avons par la personne de AQ, un pauvre ère, misérable, comme il y en a beaucoup, qui tente par tous les moyens de survivre, en végétant. Les changements de société ne vont guère profiter à AQ. Il va finir par se mettre à dos tout le village, pour finir vraiment très mal. Je ne sais pas si c'est le style, ou le récit en lui-même, mais je n'ai pas réussi à me transposer dans cette Chine mouvementée. En fait, je n'ai pas été insensible aux déboires de AQ mais son histoire m'a paru assez compliquée dans cette société chinoise en pleine mutation dont je n'ai pas les repères. Ceci dit, il existe encore beaucoup de AQ dans la Chine actuelle où malgré la dictature communiste néo libérale (eh oui c'est possible !), subsistent encore des inégalités monstrueuses.
En revanche, je me souviens, à Shanghai, d'avoir visité, dans la concession française, le studio d'un des écrivains de cette époque. Peut-être Luxun ? Logement transformé en musée et restitué dans son contexte. Cela m'a paru très indigent. Non loin de là, toujours dans la concession française, on peut également voir le lieu des premières réunions du parti communiste, qui s'est constitué dans les années 20. Les prémices de la Chine actuelle… Enfin bon, vous allez me dire qu'on s'en fout. Et vous aurez raison.
En résumé, un classique chinois, à lire, pour les amateurs.
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Je suis encore subjugué par la magie de cette nouvelle. Son effet est étrange, le même qu'on a après la lecture du "Procès", on est comme hypnotisé, songeur, bouche bée.

Le titre pompeux de même que les titres des chapitres sont pertinemment choisis dans un but ironique. Ah Q n'est pas un héros légendaire pour qu'on écrive son histoire véritable. Mais le mot véritable laisse un soupçon concernant l'histoire légendaire de Ah Q. Existe-il alors une ou plusieurs histoires mensongères sur ce personnage curieux? L'auteur commence dans le premier chapitre qui est une sorte de préface par nous expliquer son choix du titre; un choix romanesque selon lui.

Ah Q est un ouvrier, maigre, pauvre, haineux, curieux, naïf, servile, cynique, belliqueux et poltron, qui entre dans des rixes d'où il sort battu et humilié, mais il trouve sa revanche bien forgée dans son esprit contre ses ennemis. La nouvelle a pour cadre historique la révolution de 1911 en Chine, et pour lieu un village où existe un abîme entre riches et pauvres. L'histoire de cette révolution apparaît dans cette nouvelle comme la guerre du Vietnam dans le film Forrest Gump, c'est-à-dire autour d'un idiot du village. Cette révolution inachevée voire ratée n'a rien changé au fond dans ces différences flagrantes entre riches et pauvres.

Dans cette nouvelle écrite progressivement (une progression en crescendo de l'humour à la tragédie) Lu Xun fait preuve d'un grand talent ; un talent plein de ruse dans la création d'un personnage complexe qu'il fait passer pour réel (une simple biographie) comme le ferait plus tard Borges, ainsi qu'un talent cruel qui mélange le comique le plus hilarant au tragique le plus amer comme son contemporain européen Kafka.
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Lu Xun est un auteur qui compte dans l'histoire de la littérature chinoise, puisqu'il est le fondateur de la littérature de langue moderne, aux alentours des années 1920, époque où la république a fait pschitt et où les seigneurs de guerre dépècent un état à l'agonie.
Ici , cette atmosphère de chaos est bien présente puisque l'action se situe en 1911 , année de la chute des Qing . le problème de la natte est largement évoqué: Cette natte, symbole du pouvoir mandchou des Qing, se devait d'être coupée par tout bon révolutionnaire. Il fallait être sur de son coup car si les Qing revenait au pouvoir , le temps qu'elle repousse....

Ici , AQ est un peu l'idiot du village .Une sorte de Grenouille du "parfum". Il est laid, méchant, sournois , raillé, rejeté.. La comparaison s'arrête là, pas sur qu'AQ ait la moindre facilité à distinguer deux fragances!
C'est le stéréotype du paysan affamé et illettré qui vit de petits boulots, boit, embête les femmes, vole pour vivre, se bat...
Ce court texte permet à l'auteur dans une période extrêmement troublée de faire passer des idées nouvelles , en s'appuyant souvent sur la pensée confucéenne, en dénonçant aussi le poids de la culture étrangère qui s'immisce en Chine à cette époque.
Les stéréotypes humains sont décriés, comme l'acceptation d'un riche puis son rejet dès que ses émoluments s'estompent. On ne parle même pas de la justice.
Juste une anecdote ;: La coutume voulait qu'en Chine , un condamné à mort chante un air d'opéra à la foule l'accompagnant dans son dernier trajet. le texte le plus chanté était : "Dans vingt ans , je serai de nouveau vivant,beau et brave garçon".
Un texte qui résume sans doute la pensée d'un peuple qui croît en sa bonne étoile malgré toutes ses souffrances.

Ce petit roman a sa place au panthéon de la littérature chinoise de part son coté historique mais aussi, bien sur , la qualité de ses propos.
Cependant, l'auteur semble jouer sur les subtilités de la langue chinoise ,comme l'explique la traductrice. Si cela ne perturbe pas la lecture, on est vraisemblablement privé d'une partie de la grandeur du texte et de ses subtilités.
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Ah Q est un journalier illettré, bien connu dans la petite ville de Weizhuang. Cet homme a une fâcheuse tendance à s'en prendre aux plus faibles que lui : gens désoeuvrés qu'il n'hésite pas à tabasser, femmes qu'il cherche à tripoter…alors qu'il est mielleux et couard avec les plus riches et les puissants. A ce tempérament un poil bête et méchant s'ajoutent entre autres défauts, un orgueil démesuré, des tendances sado-masochistes, une mégalomanie certaine, un goût trop prononcé pour la bouteille, et un instinct de voleur !
Cependant, une certaine naïveté et son peu de pouvoir de nuisance le rendraient presque attachant, d'autant plus que ses aventures parfois truculentes au sein de cette petite ville mettent en lumière la médiocrité de la faune locale, les autres personnages n'offrant pas non plus une image absolument exemplaire avec leurs différents travers, en particulier une veulerie généralisée.

Parmi ces aventures, Ah Q va crier son envie de faire l'amour à la servante de son patron M. Zhao, et s'en trouvera battu et congédié, reviendra quelque temps après ayant apparemment fait fortune….mais on le soupçonnera très vite d'avoir volé les biens qu'il revend, pour s'être déjà fait piquer en train de voler des navets dans le potager du temple local…vol de biens qu'il avouera bêtement dans un moment d'abandon rêveur à l'alcool…La rumeur se répand, et Ah Q voit sa réputation définitivement entachée et devient personna non grata. Quand la révolution intervient en 1911, Ah Q croit encore jouer les opportunistes, mais il est rattrapé pour un vol survenu au domicile de la famille Zhao…

Pour le coup, le pauvre Ah Q est accusé à tort. Jeté en prison, il va boire le calice jusqu'à la lie en subissant l'humiliation de dévoiler son illéttrisme, et en ne parvenant pas à manier correctement le pinceau pour tracer ne serait-ce qu'un cercle parfait à la demande de ses juges…Dans sa naïveté, il ne comprendra que bien tard qu'on le conduit à la mort, et ne réussira même pas à offrir au peuple de Weizhuang le spectacle d'une belle exécution, comme en témoigne les dernières lignes du récit :
« Quant à l'opinion publique, elle fut unanime à admettre la culpabilité de Ah Q, car, disaient les habitants de Weizhuang, la preuve qu'il était un mauvais sujet, c'est qu'il a été fusillé ; s'il n'avait pas été mauvais, pourquoi l'aurait-on fusillé ? A la ville, l'opinion était que passer quelqu'un par les armes est bien moins spectaculaire qu'une décapitation. La plupart des citadins étaient mécontents. Et quel condamné ridicule ! On l'avait promené fort longtemps par les rues et il n'avait pas poussé le moindre air d'opéra. C'était bien la peine de s'être dérangé ! ».

Ecrit en 1921, ce récit est rythmé, et brille par sa causticité et son côté provocateur, Lu Xun brossant un tableau peu reluisant du tempérament de ses compatriotes et des institutions politiques de son pays, dans les temps troublés et instables qui suivirent la chute du dernier empire en 1911.
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Ce récit est vraiment un classique en Chine, Lu Xun étant un auteur très important de la chine du XXème siècle, et il est à ce titre très intéressant à étudier. le ton de Lu Xun étant souvent très ironique, il y a quand même moyen de s'amuser de son personnage et des situations qu'il décrit. Une très bonne lecture pour ma part !
Lien : http://www.verslest.org/2019..
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