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Critique de gerardmuller


Le sorgho rouge / Ya Ding
Liang, jeune garçon de neuf ans, arrive avec ses parents et sa petite soeur Ling, sur une charrette tirée par un âne dans un petit village de la Chine du nord. C'est une journée torride et poussiéreuse d'une poussière jaune qui étouffe, jaune comme le sol desséché de la campagne où ils s'enfoncent, faites de champs misérables où maïs et sorghos exténués recroquevillent leurs feuilles.
Ils ont quitté la ville car Li, le père, a été nommé préfet et chef adjoint du district, et pour la famille commence alors une vie nourrie des idées révolutionnaires orchestrées par l'Oncle Mao.
Liang n'est pas heureux d'avoir quitté la ville et son école et ses amis et s'est installé dans une bouderie somnolente durant tout le voyage. Un voyage loin de lui-même, un bouleversement de son être, de la maison familière et des habitudes intimes.
Au village, l'église qui avait été construite par les Français est devenu le siège du comité du parti communiste. C'est de là que la Révolution est dirigée pour toute la région, une région aux dires de Song, une collègue de Li dont il aura à subir les foudres, où les gens sont arriérés, aliénés, imbéciles, enracinés dans des superstitions et des croyances absurdes liées au christianisme. La tâche va être difficile et les paysans encore inféodés au christianisme disent que les membres du Parti communiste sont des diables rouges avec leur foulard rouge.
Liang découvre avec son camarade Tian, fils de paysan, une Chine avec ses croyances religieuses et ses rites que les gens de la ville ignorent. La croix de l'église française, signe dix en chinois, domine tout le village.
À l'école où enseigne Wang sa mère, les leçons sont essentiellement politiques et faites de slogans et cela n'intéresse guère Liang pour l'instant. Plus même, il hait le directeur et ses leçons.
Dans la seconde partie du roman, on découvre que Liang a quelque peu changé, endoctriné à son insu. Il pense comme il se doit que la Révolution n'est que violence, une guerre ordinaire et brutale d'une classe pour en renverser une autre. Les haut-parleurs du village parlent à longueur de journée portant au loin le message politique. Il faut supprimer radicalement tout ce qui est ancien. Ce que l'on peut casser, on le casse. Liang est chargé de détruire le clocher de l'église et le fait avec zèle pour être digne de sa famille. Ce que l'on peut brûler, on le brûle : les vieilles photos de famille. Et ce qu'on ne peut ni casser ni brûler sera jeté à l'eau. C'est ainsi que la Révolution Culturelle viendra à bout de tout ce qui rappelle l'ancien régime bourgeois. On fouille chez les gens, on surveille l'habillement et la coiffure. La longueur des cheveux est standardisée.
Chaque citoyen doit à présent régulièrement se prosterner avec le Petit Livre Rouge en main devant le portrait du Grand Timonier, l'Oncle Mao, avant un repas ou tout autre moment important de la journée. Des concours de récitations de citations extraites du livre sont organisés au sein de l'école. Et Liang de se réjouir à présent de vivre une pareille époque, une époque héroïque, révolutionnaire, absolument rouge, pleine d'aventures, dans laquelle il peut déployer son intelligence. Il rêve de devenir un héros, un combattant, un sauveur, le premier dans l'exécution des ordres du Grand Timonier.
Mais Liang ne sait pas que bientôt tout ce zèle révolutionnaire va se retourner contre sa famille, les priorités de Li son père et de Wang sa mère, n'étant pas nécessairement celle du Parti. Ils vont se heurter à la pensée juste de celui-ci, être humiliés et connaître un sort jamais imaginés.
Ce premier roman de Ya Ding, écrit admirablement en français, est un texte grave et bouleversant au style travaillé et plaisant. Une belle réussite.
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