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Critique de Jean-Daniel


Au carrefour du récit historique, du roman policier, de la biographie et de la philosophie, "Le Problème Spinoza" est une introduction captivante à la pensée de ce philosophe et cherche les raisons pour lesquelles l'officier nazi Rosenberg était fasciné par sa personnalité et sa pensée.

Irvin Yalom a certes pris quelques libertés avec L Histoire en inventant des interlocuteurs recueillant les états d'âme de Spinoza et Rosenberg mais il retrace avec habileté le cheminement de l'auteur de L'Éthique, issu d'une famille juive portugaise ayant fui l'Inquisition pour s'installer en Hollande, excommunié en 1656, à 23 ans, par la communauté juive d'Amsterdam et dont l'oeuvre bouscule les convictions antisémites d'Alfred Rosenberg.
Irvin Yalom essaie de démontrer comment Rosenberg, ce farouche anti-juif, se trouve confronté d'une façon obsédante à la pensée de Spinoza grâce à Goethe qu'il vénère et qui admirait le philosophe. L'auteur nous plonge dans le raisonnement réfléchi et audacieux de Spinoza et dans celui perturbé et détestable de Rosenberg.

J'ai apprécié la manière dont l'auteur a construit ce roman en faisant se côtoyer des personnages qui n'ont rien en commun et qui ont deux parcours atypiques. Il utilise avec habileté ses compétences de psychothérapeute pour nous faire découvrir leur vie intérieure, en inventant des interlocuteurs fictifs afin de nous proposer dans un rythme soutenu des dialogues riches et passionnants. On sait peu de choses concernant Spinoza mais Irvin Yalom souligne avec ingéniosité son esprit critique et fait une présentation intéressante et accessible des questions qui fondent sa philosophie et ses réflexion sur la religion, la liberté, la communauté… Rosenberg, quant à lui, individu suffisant, médiocre et entêté, se montre incapable de « penser » au sens où Hannah Arendt employait ce mot, et sa fascination devient rapidement souffrance puis maladie mentale. le contraste est frappant entre celui qui sacrifie sa vie personnelle et se démarque de sa communauté afin de privilégier sa liberté de penser et l'autre qui est désorienté par son sentiment de non appartenance à un peuple et veut appartenir à une communauté qui semble sans cesse le rejeter.

Il faut toutefois garder à l'esprit qu'il s'agit ici d'une sorte de biographie romanesque qui ne peut donc avoir la crédibilité de la biographie historique. Irvin Yalom le rappelle à la fin de son livre. Certains lecteurs, dont des écrivains célèbres, ont certes affirmé qu'ils avaient mieux saisi l'esprit d'une époque dans l'oeuvre d'un grand romancier que dans les ouvrages historiques qu'ils avaient lus. On retrouve dans ce livre le sentiment d'André Gide selon lequel il voyait « le roman comme de l'histoire qui aurait pu être, et l'histoire comme un roman qui avait eu lieu ».
Cet ouvrage constitue une belle introduction à la philosophie de Spinoza ainsi qu'une courte initiation à la psychanalyse et son usage pour comprendre des personnages. Il est très documenté, ce qui permet au lecteur de s'immerger dans deux époques différentes et de se passionner à la lecture des destins si opposés de ces deux hommes.
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