Maribas ou les balles bondissantes

Un certain docteur généraliste, Bertrand Maribas, exerçait à quelques kilomètres de l'appartement. Dan ne croyait pas aux coïncidences. Il croyait au destin – karma, Providence, fatalité, fortune, Sort, moira – depuis le visionnage d'une émission sur le sujet. Une femme y racontait comment elle s'était retrouvée coincée dans une rame de métro avec un avocat alors qu'elle en cherchait justement un. Cela avait suffit à Dan pour être persuadé que la vie n'était qu'un grand jeu de piste et que son issue était décidée depuis la nuit des temps. Aussi décida-t-il de prendre rendez-vous avec le docteur Maribas dès le lendemain à la première heure. Ce sera l'occasion de lui parler de ses insomnies.

— Vous n'êtes pas venu pour une consultation.
L'homme ne posait pas de question. Il affirmait.
— Si. Je suis venu car j'ai des insomnies, balbutia Dan.
— Vous savez, certaines personnes analysent le monde à travers des x et des y. D'autres vous parleront de symétrie. Certains de géométrie. Mais aucun système ne saurait expliquer le monde. On ne peut pas lier deux événements entre eux. Pas de branches, pas d'arbre.
— Je comprends rien à ce que vous dites.
— Peu importe. La seule chose que vous devez savoir c'est que vous devez arrêter vos recherches, elles ne mènent à rien.

Le soir de leur premier rendez-vous, Emma et Dan n’ont pas fait l’amour. Aucun des deux n'avait de protection. Ils se sont alors allongés l'un contre l'autre en chien de fusil. Emma a écrit des mots avec son doigt sur le bras de Dan qui s'est rapidement endormi. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas trouvé le sommeil aussi vite, lui qui souffrait d'insomnie chronique depuis son enfance.

Au même moment , un crissement de pneus se fit entendre. Une Audi gris métallisé vint finir ses zigzags dans un pylône électrique en face d'une boutique de farces et attrapes à quelques mètres d'Emma et Dan. Le passager hurle quelque chose qui ressemblait à " Maribas!" avant que la voiture ne recule et ne reprenne sa course effrénée, slalomant de plus belle. Ce qui frappa Dan fut le visage du conducteur. Ses traits étaient identiques aux siens à tel point qu'il se demanda s'il n'avait pas simplement aperçu son reflet dans la vitrine.

Béret basque vissé sur la tête, tempes grisonnantes, moustache en guidon, l'homme qui tenait la librairie esquissa un geste amical. Les deux amoureux étaient devenus au fil du temps des habitués.
— Qu'est-ce vous venez chiner aujourd'hui tous les deux ? Demanda la libraire, une cigarette qu'il n'allumait jamais entre les lèvres.

L'homme passait un temps fou, surtout la nuit, donc, à jouer de la viole de gambe depuis qu'il avait découvert l'existence de cet instrument dans le recueil de poèmes Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand. Dan lui tenait compagnie et se laissait bercer par les mélodies entrecoupées de lectures des textes du poète, textes dont il ne comprenait absolument rien.

Les cyclopes étaient en guerre depuis des millénaires avec les reptoïdes, les premiers voulant bâtir un empire sur Terre, les autres sous Terre. La suite, tout le monde la connaît… Les reptoïdes terrassèrent les cyclopes et continuent encore aujourd’hui de tirer les ficelles depuis le noyau terrestre.

(p.116)

Dan ne comprenait pas pourquoi les gens ne quittent presque jamais une séance lorsque le film ne leur plaît pas. Ils restent coûte que coûte jusqu'à la fin quand bien même ils s'ennuient dès le premier quart d'heure. Ce n'est pas comme au théâtre où il est mal vu de s'éclipser au milieu d'une représentation, même pour aller aux toilettes.Au cinéma, vous ne gênez pas les acteurs et, au pire, vous faites souffler la rangée de derrière quand vous vous levez.

- Vous avez le nez bien pris. Voilà ce qui arrive quand on le met dans les affaires des autres.

- Vous savez, certaines personnes analysent le monde à travers des x et des y. D'autres vous parleront de symétrie. Certains de géométrie. Mais aucun système ne saurait expliquer le monde. On ne peut pas lier deux événements entre eux. Pas de branches, pas d'arbre.
- Je comprends rien à ce que vous dites.
- Peu importe. La seule chose que vous devez savoir c'est que vous devez arrêter vos recherches, elles ne mènent à rien.
- De quelles recherches parlez-vous ?