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Critique de vibrelivre


La marcheuse
Samar Yazbek
traduit de l'arabe (Syrie) par Khaled Osman
roman 2017
La Cosmopolite, Stock


Samar Yazbek est née en 1970. Elle est journaliste et romancière. Elle a créé la fondation Women now for development, pour aider les femmes sur le terrain, en Syrie et dans les camps de réfugiés. Elle vit à Paris, sa ville d'exil. Elle est contre le régime de Assad, parce qu'elle veut une société nouvelle.
La marcheuse est son quatrième roman. La narratrice est une jeune fille menue à la forte poitrine, qui s'adresse par écrit à un lecteur, et elle écrit d'un souterrain glauque, cave d'une ancienne imprimerie, dans le quartier de la Ghouta, à l'est de Damas, perpétuellement bombardé.
Elle ne sait ou ne veut pas faire fonctionner les muscles de sa langue, à la suite d'un incident. Ses pieds commandent, et elle marche irrésistiblement jusqu'à épuisement. Un jour qu'elle avait échappé à sa mère, elle a marché, s'est retrouvée entourée de passants, et quand sa mère l'a eu prise dans ses bras, elle n'a plus parlé. Et sa mère se voit obligée de l'attacher, soit à elle-même, soit à une fenêtre, ou un autre appui, pour qu'elle ne s'en aille pas.
La narratrice, Rima, est dans un autobus qui n'avance pas. Il faut franchir les barrages. La population est soumise aux fouilles et aux brutalités policières. Elle a peur des agents des services secrets. Rima subit cela avec indifférence, parce qu'elle est tout à sa joie de voir la bibliothécaire, qui lui a appris à lire, à dessiner, à écrire, et aux yeux de qui elle a du génie et un coeur d'artiste. Sa mère fait passer sa fille pour folle et quand la narratrice a pu défaire le lien qui la rattachait à sa mère, cette dernière qui veut la rattraper, est tuée.
L'enfant, qui demeure encore dans l'innocence, mais qui femme, est sensible à l'autre sexe, découvre sa féminité, et doit se soucier de sa pudeur, qui semble être une obsession pour les hommes et les femmes et leur effroi de pécher, au risque de laisser mourir les femmes plutôt que de les toucher et de leur enlever leurs vêtements devenus toxiques à cause des bombes chimiques, a plein d'histoires à conter, entre autres celle du jeune livreur qui aimait lui palper la poitrine, et qui ne vient plus livrer du jour au lendemain. Elle les conte avec ses propres perceptions, d'enfant, de muette, de fille pubère. Elle interrompt son récit en commençant d'autres histoires, ce qui rend le récit discontinu et chaotique comme la vie bouleversée par les bombes. C'est ainsi qu'elle conçoit l'art du récit : les histoires se déroulent selon des cercles concentriques, et ne se complètent que par la répétition et l'ajout de détails. A la longue, le lecteur se lasse et s'agace. Il tourne en rond sans avancer comme la jeune encordée dans son souterrain. Mais elle, souffre de la faim, de la soif, de la chaleur, de la solitude, du bruit des avions, des bombes chimiques aux odeurs désagréables et qui font une drôle de couleur.
Malgré ses tares visibles, elle a de nombreuses qualités. Quand elle cantille le Coran, elle ferait pleurer les pierres. Elle apprend aux enfants à dessiner, l'alphabet, les sourates. Elle transfigure le paysage de désolation, les immeubles détruits, la poussière, des bouts d'obus, les morts amputés ou ensevelis sous les gravats, par son inventivité et la création de planètes imaginaires avec des poissons qui volent, en s'inspirant des livres qu'elle a lus, appris par coeur et dessinés, le Petit Prince. Alice au Pays des Merveilles, Les contes de Kalila et Dimna, et du peintre Chagall. le dessin lui semble plus important que les mots, même si ceux-ci sont riches de sens ; et ses dessins réjouissaient son frère.
J'ai eu du mal à entrer dans ce livre, à en supporter les longueurs, à me lier à ce personnage de Rima dont pourtant l'amitié éphémère avec la jeune fille chauve est émouvante. J'ai couru les dernières pages du roman pour savoir si Rima sortirait du souterrain, parlerait.
Cependant La marcheuse, qui marche davantage dans sa tête, nous rappelle, et c'est nécessaire, au drame syrien.
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