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Critique de Pois0n


Merci beaucoup à Babelio et à l'opération Masse Critique ainsi qu'à Albin Michel pour la découverte de ce livre !

Le célèbre trope de la fausse relation, on sait tous comment ça finit, la plupart du temps. Ajoutez-y celui de la famille déterminée à rester dans le vase clos de sa petite communauté – un élément que l'on trouvait déjà dans Crazy Rich Asians par exemple, et vous obtenez un résumé plus qu'alléchant. Autant dire que même si l'opération Masse Critique n'était pas passée par là, j'aurais sans doute craqué tôt ou tard.

Assurément, la romance est l'élément principal de Frankly in Love. A peu près toute l'histoire tourne autour de la découverte de l'amour par Frank, celle-ci étant intrinsèquement liée à sa quête d'identité. Car si les parents de Frank sont des coréens pur jus, immigrés aux États-Unis mais demeurés coréens dans l'âme et le mode de vie, Frank, lui, ne sait pas trop où il se situe. D'origine coréenne, oui, mais éduqué plus ou moins à l'américaine. Mais il serait dommage de réduire Frankly in Love aux galères amoureuses de son personnage principal.

L'ouvrage traite, évidemment, en long, en large et en travers du racisme sous toutes ses formes. Celui, que le mouvement #BlackLivesMatter met justement en lumière en ce moment, mais pas seulement : au delà de la violence physique, il y a celle des mots, du mépris et des préjugés, illustrée à travers les conversations incroyablement malaisantes des parents de Frank. Pour eux, tout ce qui n'est pas coréen est sujet à des critiques particulièrement abjectes. Quand ça ne va pas plus loin... Mais le racisme, c'est aussi quand les parents de Brit, au resto coréen, assument d'office que Frank connaît tout « puisqu'il est coréen ». Sauf que Frank, lui, n'en connaît pas tellement plus qu'eux. le livre aborde aussi le privilège blanc dont l'on n'a pas toujours, et surtout jamais pleinement, conscience. le tout intégré de façon transparente au récit, c'est à dire partout, tout le temps, puisqu'à aucun moment, Frank ne peut l'oublier.

Bref, si vous voulez de la comédie romantique légère, ouvrez un autre livre, parce que celui-là est tout sauf feel-good. Et ça, c'est avant que n'arrivent les drames. Perso, j'aurais aimé savoir qu'il était question de cancer avant de commencer ma lecture, ça m'aurait évité de la finir en larmes.
La maladie donc, et la préparation à l'inévitable. Que sait-on vraiment des gens qui nous sont les plus proches ? Que laisse-t-on derrière nous ? Que sont réellement les moments qui comptent ?
C'est un fait, Frankly in Love est un bouquin beaucoup plus profond qu'il n'en avait l'air, la quête de Frank se révélant presque philosophique par moments.

Mais tout n'est pas triste pour autant. On rit même franchement, parfois, face aux absurdités de Frank et sa petite bande de potes.
… Dont l'on ne sait, en fin de compte, pas grand-chose.

Au rayon des quelques points noirs, il faut en effet mentionner qu'en dehors des personnages principaux, ceux qui gravitent autour sont à peine esquissés. Et encore : les parents de Frank restent aussi secrets pour le lecteur que pour leur fils. Ce manque de développement touche aussi la passion musicale du jeune homme, maintes fois mentionnée mais jamais détaillée. La partie de jeu de rôles sur table, bien plus anecdotique, est même mieux décrite... Mais le pire, ça reste encore la révélation de l'homosexualité d'un personnage à quelques pages de la fin. Un discret teasing permet heureusement d'éviter complètement l'effet plot-twist, mais la question est : pourquoi ? Pourquoi comme ça, pourquoi de façon aussi maladroite, comme s'il avait fallu remplir un quota, comme si ça sortait de nulle part, trop tard pour que ça ait une quelconque incidence sur le récit, comme si c'était juste histoire de dire « voilà, j'ai mis un personnage gay » ? Et à en croire les critiques anglophones, je ne suis pas le seul à avoir été déçu de la façon dont le personnage a été traité.
Il en va de même pour la résolution des rapports entre certains protagonistes, tout simplement expédiée en quelques lignes, hop, magie, le problème s'est résolu pendant l'ellipse. Après avoir aussi lourdement insisté dessus pendant TOUTE l'histoire, là encore, tout ça laisse un goût de bâclage.

De façon générale, la fin laisse une sensation de « tout ça pour ça », Frank est à peine plus avancé à la fin qu'au début, comme si tout ce qu'il a traversé, et nous avec lui, ne comptait pas. Alors qu'il s'en est pourtant passé, des trucs, qui l'ont aidé à comprendre qui il est. Mais c'est tout. Et c'est terriblement frustrant.

Faut-il pour tant bouder Frankly in Love ? Sûrement pas. Car la destination compte moins que le chemin, et Frank, lui, n'est encore qu'au début du sien. On partage simplement quelques mois de sa vie, lui, le coréen immigré de deuxième génération, flottant entre deux mondes dont ni l'un, ni l'autre ne lui facilitent la vie. La vie, c'est d'ailleurs là le véritable sujet du livre.
Une lecture pas toujours agréable, parfois difficile, parfois perfectible, mais qui n'en reste pas moins bonne.
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