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Critique de fulmar


C'est une histoire d'eau, d'os, d'o.

C'est une histoire d'eau.

Celle qui coule de source, qui descend de la montagne et qui alimente un hameau perdu dans une vallée enclavée.
Site « idéal » pour y construire une centrale électrique, mais pour ça il faut inonder les lieux, et les habitants n'ont pas les moyens d'y faire barrage. Pas contre le Pacifique, mais à grand renfort de dynamite. La montagne grogne jusque dans les maisons, au grand dam des villageois médusés.
De quoi mettre la pression, avant la mise en bière, au point de faire mousser la végétation luxuriante.

« Ce qui me frappa le plus, c'est l'épaisseur inhabituelle de la couche de mousse qui recouvrait les toits de chaume extraordinairement pentus. Toutes sortes de mousses devaient y vivre en symbiose, le vert gorgé d'eau brillait, lourdement détrempé. On aurait dit d'énormes créatures recouvertes d'une épaisse fourrure luisante blotties les unes contre les autres ».

Le narrateur a été embauché dans l'équipe des ouvriers affectés au chantier. le mur à construire l'isolera de son passé, lui le meurtrier de la femme adultère, à qui il a jeté la pierre, ou plutôt la bûche, sans voir les embûches, coincées dans sa conscience.
Bien avant le hameau, c'est lui qui est noyé, sous des flots de remords, surtout quand il découvre un autre cadavre, blancheur immaculée suspendue au bout d'une corde, geste ultime d'une jeune fille après le viol de l'innocence.

Inonder la vallée pour effacer les traces, engloutir les souvenirs pour apaiser les sentiments, l'eau s'écoule en ruisseau mélancolique, mais aussi en torrents de larmes. Peut-elle apaiser l'esprit tourmenté ?

C'est une histoire d'os.

Ceux des restes des squelettes du cimetière qui vont être récupérés avant le naufrage rappellent les ossements de l'épouse déshonorée précieusement conservés par l'auteur de la profanation.

« Ils cherchaient clairement à déterrer les ossements qui reposaient sous les sépultures. de plus, ils cherchaient à obtenir quelque chose d'équivalent aux doigts de pied de ma femme qui reposaient au fond de mes affaires personnelles ».

Os-mose os-tensible, effet miroir, silence onirique des os qui désarticulent l'agitation destructrice de la roche. L'os ment-il ?

C'est une histoire d'o.

O, Oméga, la fin d'un monde.
Hameau, forêt, ruisseau, torrent.
Chaume, paulownia, sol, roche.
Violence, profané, explosion, détonation.
Corde, cloche, cocon, torche.
Faute, mort, colère, corps.
Onirique, introspection, procession, flot.
Chizuko, Yodono, Shogi, Shinto.

Des « o » pour des mots, des mots pour des maux.
Une écriture envoûtante, descriptive, poétique.

« Toute l'étendue du ciel délimité par les crêtes était semée d'innombrables petites taches noires qui ressemblaient à des graines de sésame. Dont les groupes s'entrechoquaient à toute vitesse, saturant le ciel de cris stridents ».

Les échos des blessures se répercutent dans la montagne.
Violence, colère, vengeance s'entremêlent avec la beauté des lieux.

« L'air de la vallée était froid, le torrent charriait les feuilles rouges de l'automne. (…)
Presque toutes les feuilles étaient tombées, les branches des cimes, dénudées, pointaient comme si elles étaient mortes ».

La fin est impressionnante, de quoi en rester bouche bée, les lèvres en forme de « o ».

L'eau des corps éteindra-t-elle le feu des âmes ?




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