Il est des
Naufrages qui laissent des traces.
et des
Naufrages qui chamboulent des vies.
Il est des
Naufrages qui hantent les jours.
et des
Naufrages qui assurent la survie.
Il est des
Naufrages attendus, espérés.
Il est des
Naufrages maudits, hantés.
Il est des
Naufrages qui nous marquent à jamais.
Celui de Akuri
Yoshimura est de ceux-là.
Je ne savais rien de ce livre en ouvrant ses pages. Mais je me suis retrouvée instantanément projetée dans le courant lent de la vie d'un petit village japonais de bord d'océan.
Au début, j'ai pensé que je pourrais m'y ennuyer.
Mais le ressac, son hymne mélodieux et son rythme hypnotique m'ont vite fait comprendre que j'étais ici chez moi, qu'on avait besoin de mes forces vives, qu'il me faudrait attendre quelques années avant de me marier et que peut-être on me vendrait ailleurs pour la subsistance de la famille.
Pas de révolte, aucune. Ceci était ma vie.
J'ai scruté l'horizon en quête de bateaux perdus, j'ai allumé des feux nocturnes pour extraire le sel, j'ai pêché l'encornet et le maquereau à la bonne saison, j'ai prié les âmes des anciens pour la protection des miens, j'ai attendu le retour d'un père aimé.
J'ai ressenti dans mon âme profonde cet appel à retrouver ce qui habite l'homme depuis toujours : l'amour des siens et l'instinct de survie.
Alors quand le bateau est arrivé, quand le naufrage est survenu, une joie indicible m'a envahie, le fardeau de l'inquiétude du lendemain s'est envolé et les sacs de riz ont rempli les maisons sous les éclats de rire des enfants.
Mais les
naufrages ne se ressemblent pas tous.
Certains apportent la vie, d'autres la suppriment.
Et cela laisse des traces...
Rares sont les livres qui m'ont enveloppée à ce point.
J'ai terminé ce roman il y a près de deux semaines et les odeurs m'enivrent, les regards m'appellent, les parties de pêches m'invitent, les morts me hantent... encore !
L'écriture de
Akira Yoshimura ressemble à un jardin japonais : paisible, soigné, puissant, méditatif, enivrant, lent, beau, irrésistible.
A découvrir avec urgence... non, avec lenteur.
Comme le ressac d'une nuit très calme.