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Critique de Pasoa


Naufrages pourrait être né des belles estampes d'Hokusai représentant au XIXème siècle des marins et des paysans travaillant dans des paysages montagneux tout près de bords de mer...

Isaku a 9 ans. Il vit avec sa famille dans un petit village. Les habitants subsistent grâce à la vente du produit de leur pêche et de la récolte du sel en échange de céréales. Malgré la dureté du travail et le négoce, la vie au village reste très précaire. Ainsi, des hommes et des femmes sont contraints de quitter leur famille durant plusieurs années pour trouver un travail plus lucratif. C'est le cas du père d'Isaku parti depuis deux ans déjà. Nécessité oblige, le jeune garçon vient souvent en aide à sa mère et à ses jeunes frère et soeurs. le temps passe ainsi au rythme des saisons, de la nature partout présente, du travail acharné, des exigences de la vie en communauté et de la croyance animiste pratiquée dans chaque foyer.

Le rouge est au Japon la couleur de l'abondance, de la longévité. Quand les arbres des massifs montagneux qui font face au village se parent à l'automne de merveilleuses teintes rouges, les habitants se mettent à espérer que la pêche sera plus tard abondante mais aussi que des navires marchands viendront s'échouer sur les récifs tout proches… C'est ce qui va advenir un jour.
Une nuit de tempête, en plein hiver, une clameur gagne tout le village. Un navire s'est échoué tout près. Rapidement, les habitants s'organisent pour se rendre sur embarcation. Ils y découvrent un imposant chargement constitué surtout de riz. Les membres survivants du navire sont rapidement mis à mort par les villageois. Les marchandises et tout ce qu'il reste des pièces de l'embarcation sont ramenées à terre. Il ne reste plus trace du naufrage. le village va connaître un temps nouveau, celui de la quiétude, du rassasiement.
Quelques temps plus tard, le rouge deviendra couleur de l'inattendu et de l'étrange. Un autre navire vient de s'échouer dans la baie. Les villageois sont confondus par ce qu'ils découvrent à bord de l'embarcation : très peu de marchandises et surtout un grand nombre de corps sans vie, tous vêtus de rouge…

Avec Naufrages, roman publié au Japon en 1982, Akira Yoshimura confirme définitivement son talent de très grand écrivain. Entre roman d'initiation et conte philosophique et moral, l'auteur décrit avec réalisme et sensibilité le destin de personnes confrontées à des situations inattendues et difficiles, à des évènements qui souvent les dépassent, auxquelles ils doivent se résigner, se soustraire par la force des choses.
Dans Naufrages, comme dans la plupart de ses romans, Akira Yoshimura fait se combiner avec beaucoup de justesse les ressorts de l'intime (ici, celui d'Ikaru) et l'histoire collective (celle de la communauté, du village). L'individu agit comme un profond révélateur de son époque, de la société dans laquelle il vit. Jamais l'auteur n'oppose l'individu à son époque, ne porte pas de jugement de l'un par rapport à l'autre. Il conserve toujours cette distance nécessaire, cette acuité du regard qui rendent ses personnages si singuliers, si touchants encore.

Écrivain incontournable de la littérature contemporaine japonaise, il reste de la lecture d'Akira Yoshimura beaucoup plus que des livres remis à leur place sur une étagère de bibliothèque.
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