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Critique de Sokleine


C'est avec ce recueil de dix nouvelles autobiographiques que je découvre l'écrivain japonais, Akira Yoshimura (1927-2006). Elles viennent seulement d'être traduites en français et publiées, alors qu'elles sont parues au Japon entre 1976 et 1988. Dans cet ouvrage, elles apparaissent par ordre chronologique, ce qui permet au lecteur d'en apprendre beaucoup sur la vie de l'auteur, l'histoire et les us et coutumes japonaises.

Yoshimura, issu d'une famille très nombreuse, était adolescent lorsque la seconde guerre mondiale a éclaté, de santé très fragile il n'a jamais été incorporé pour défendre sa patrie, et d'ailleurs longtemps après il culpabilisera. Néanmoins il sera marqué à tout jamais par ce conflit, il échappera miraculeusement aux bombardements américains, mais subira les suites désastreuses et les pénuries alimentaires dans un pays dévasté. de surcroit, durant toute son existence, il a côtoyé la maladie, en l'occurrence le cancer, et la mort, qui toucheront bon nombre de ses proches dont ses parents. Ces thèmes sont récurrents dans ces nouvelles qui sont autant de souvenirs lointains ; ils les imprègnent d'une atmosphère mélancolique et souvent pesante.

« Des dix enfants que mes parents ont eus, neuf garçons et une fille, il ne me reste plus que trois frères, tous plus âgés que moi, et ce seul cousin. Dans dix ans j'aurai de la chance si nous sommes encore deux ou trois, et je serai peut-être mort, me suis-je dit… »

Plusieurs de ces nouvelles ont pour décor, un hôpital, une visite à un grand malade, une veillée funèbre, un cimetière ou un crématorium. Toutefois, le narrateur / l'auteur est modéré, pudique, factuel mais minutieux dans ses récits, il ne tombe pas dans le pathos et introduit des faits plus légers, comme par exemple l'observation d'une mante religieuse sur le mur blanc de sa chambre d'hôpital.

Comme souvent dans la littérature japonaise, j'ai apprécié l'écriture d'Akira Yoshimura. Son style est sobre, posé, élégant, sensible et souvent très poétique. C'est un plaisir de le lire.

Je dois avouer, qu'il est préférable de découvrir cette oeuvre, lorsque l'on se sent en pleine forme, sans aucun souci. En cas de déprime, même passagère, il vaut mieux attendre des conditions plus favorables. Malgré tout j'ai aimé ce recueil de nouvelles sombres mais très touchantes. Au fur et à mesure qu'on avance dans la lecture, on sent que l'auteur vieillit et se laisse rattraper par ses traumatismes de jeunesse et par la maladie.

"D'étranges idées me sont venues à l'esprit : à peine quarante ans auparavant, le fleuve charriait des corps, et combien de ceux qui étaient assis autour de la table aujourd'hui seraient encore vivants dans quarante ans ? Je n'en ferai pas partie, et au moins la moitié d'entre eux non plus."

Akira Yoshimura mourra en 2006 des suites d'un cancer du pancréas, après avoir refusé l'acharnement thérapeutique et demandé l'euthanasie.
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