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Citations sur Le nord du monde (32)

Je parviens rapidement au village de Meerle. Les premiers sons de voix me surprennent. Si forts après tant de silence. La langue est incompréhensible et elle résonne. Les conversations rebondissent sur moi. Je voudrais savoir ce qu'ils se disent, mais rien à faire, je ne comprends pas le flamand. Je reste dans l'observation. Mon intérêt pour les autres ne fait que croître, je mute gourmande. C'est la débâcle dans mon ouverture. Je m'éveille en désordre. À toute vitesse. Il n'y a pas de frein.
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Au bout de quelques heures, j'arrête le trot, je vais au pas, petits pas, puis c'est l'arrêt complet. Je ne peux plus avancer. Je crache. A chaque inspiration, j'ai l'impression que tout va s'arracher à l'intérieur. Je regarde derrière moi pour la première fois. L'homme n'est pas là? Il a pris du retard, cherche dans la mauvaise direction. L'homme, c'est un chien, pas un poulain. Un homme chien. Il me renifle, m'a toujours reniflée. Mon fumet, il le connaît. Je sais qu'il peut me retrouver, à l'odeur de mes chairs. L'aigre de ma peau. C'est un chien endurant, un chien qui ne lâche pas. Il avait ça, l'acharnement. Je n'en veux plus maintenant.
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Parfois, on se tait. Juste le sexe. La simplicité de la mécanique. Quand l’acte est terminé, on fait ralentir le cœur. On respire les effluves. On scrute notre peau, l’œil collé à l’épiderme, comme avec la Flaisch endormie. On écoute le plaisir qui se dissipe doucement, au rythme de l’avachissement. L’accalmie nous berce. On pourrait découper les secondes, on les sentirait quand même passer. 
Tous les jours, les mains. Tous les jours, les rires. On ne peut plus s’en passer. J’ai sauvage maintenant. J'ai sauvage. Dans cet échange sans promesse et sans certitude, la peur se retire dans mes flancs. Tout disparait dans le fatras charnel. Je bloque le souvenir de l’exclusivité jusque dans l’irritation de mon col. 
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La nuit tombe sans m’attendre. Je suis avertie de la fin de la journée par le noir immense. Je n’ai plus qu'à l'admettre. Si le ciel ne s’était pas éteint, j'aurais couru encore. Fuir est un bon passe-temps. Le meilleur dans mon cas. J’aperçois quelques maisons éparpillées, qu’on dirait jetées au hasard sur la terre, de grosses lucioles au milieu de terrains vides. Il n’y a rien d’autre. Je cherche désespérément un arbre sous lequel je pourrais dormir, prendre du repos, me figurer un toit et recouvrer des forces pour la suite. Je trouve l’arbre. Je m’allonge. Je suis au sol. C’est presque bien. Le jour, on ne peut pas dormir à vue. On ne peut pas l’envisager. Alors que la nuit, on disparait, on s’efface. Les yeux se ferment seuls. 
Par contre, je pourrais plus facilement me faire agresser, tabasser, violer, couper en morceaux et jeter dans un fossé. Je fais semblant de ne pas y penser. Je vois les fenêtres allumées des maisons avoisinantes, il y en a trois, c’est rassurant. Trois carrés lumineux, cela suffit pour que la trouille se dissipe. 
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INCIPIT
C’est courir qu’il faudrait. Avancer vite. Même si c’est vers le Nord. Même s’il fait froid pour tout dans le corps. Le Nord ira bien. Ira mieux. C’est plus sûr d’aller vers le Nord. Il ne pensera pas m’y chercher. Il sait que je n’irais jamais vers le Nord. Je n’ai ni les habits ni l’attirance. Il faut s’habiller pour le froid et être attirée par le Nord pour y aller. L’attirance ça peut venir. Mais je n’irais jamais vers le Nord sans les habits. L’homme le croira parce qu’il ne m’a jamais offert d’habits chauds. Comme un manteau. Il ne m’offrait que des chocolats. Dans le Nord il ne me retrouvera pas. Je vais courir. C’est mieux. Je sais que l’homme est derrière. Pas très loin. Il veut me parler et m’offrir quelque chose pour en finir. 
Un cadeau de finissage. Peut-être un manteau. Je cours et l’eau coule de mes yeux. Pour lui. Pour l’homme. Je suis effrayée. 
Je cours à mon allure qui est celle d’un poulain trotteur. Il faut que je tienne longtemps. Je n’ai jamais couru comme ça, de manière aussi élastique. Si j’en avais le temps, je me filmerais, mais ce n’est pas le moment, pas l’endroit, on reporte. Mes chaussures ne sont pas des sabots. Ce ne sont pas non plus des chaussures pour le Nord, mais elles trottent. Elles m’emmènent dans des quartiers que je ne connais pas, déjà sur le périphérique et plus loin encore, après la ville, après les lumières. On dirait la campagne mais ce n’est pas elle. Sur le bas-côté, du gravier, parfois des arbres, des grues haut dans le ciel. Je comprends que ce sont des chantiers. La ville qui s’étire, s’étale, se déverse, vomit peu à peu sur les champs. Elle gagne du terrain, la ville. Autour de moi, ce soir, c’est évident. Elle s’élance. Je n’aurais pas cru ça d’elle. 
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Des oiseaux par centaines. Des eiders. Ils sont nichés dans les trous de la montagne. Blottis. Ils attendent. On ne sait pas quoi. Je dirais le lever du jour mais comme il n'y en a pas, je dirais qu'ils sont ensemble, simplement ensemble.Sans que rien ne se passe. Ensemble dans les trous des montagnes. Ils regardent l'horizon avec nous.
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Au Nord du Monde, le ciel est témoin de tout. C'est pour ça qu'il rougit si souvent.
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Avec les papiers, on est allés loin. Très haut dans la Norvège. Le Nord du Monde, c'est ici, entre Storslett et Straumfjord. Nous n'irons pas au-delà. Nous avons dépassé le cercle polaire. Je voulais le Cap Nord mais nous avons atterri ici, enfermés entre les montagnes et la mer, dans cette vallée glaciaire où le jour ne s'arrête jamais. On a les yeux ouverts tout le temps. Propice aux insomnies pour regarder l'enfant. La lumière est constante. Le soleil ne disparaît pas. Parfois, il fait rougir le ciel mais il ne nous quitte pas. C'est ici que tout doit se régler.
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L'éclat du jour nous déshabille doucement. Des blocs de passé semblent nous quitter à chaque gare. Je ne pense plus qu'à vivre avec lui. Je suis officiellement sa mère. Je l'ai pour moi, agrippé à ma taille, un ceinturon vivant. Nous sommes ensemble. Il aurait pu s'échapper, il ne l'a pas fait.
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Le 6 Juin 1999, je vole un enfant. Un enfant consentant. Je lui colle mon nom sur le front comme un baiser solennel. Il dit son nom-prénom plusieurs fois, le roule dans sa bouche. Trémond Isaac. Trémond Isaac. Isaac Trémond. Sa langue se fait hospitalière. Sa langue invite ce nouvel accord. Je ne peux pas encore y croire. Isaac est devenu français. Il m'appartient. Il a changé de côté.
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