Me voici face à un dilemme cornélien: comment ne pas manquer de superlatifs en faisant l'éloge de ce livre extraordinaire sans donner l'impression d'avoir perdu tout sens de la nuance?
Et pourtant difficile ici de tempérer l'admiration!
Admirable ce livre l'est en tout point. Chaque phrase est délicatement ciselée, chaque paragraphe brille comme un diamant. Je le dis à l'envi: pour rendre hommage à cette prose merveilleuse et cristalline, il faudrait la lire à voix haute. C'est d'ailleurs à voix haute que lisaient les Romains qui ne connaissaient pas
Marguerite Yourcenar mais qui avaient une écriture qui ne dissociait pas ou très peu les mots!
Dans ces sublimes pages, l'éclat de l'écriture romanesque le dispute à l'excellence de la recherche historique. Car nous sommes bien dans le roman, on ne lit pas "les
mémoires d'Hadrien" , on lit "
mémoires d'Hadrien". Et pourtant, les faits historiques y sont exhaustivement et rigoureusement rassemblés puisque
Marguerite Yourcenar s'est employée à "refaire du dedans ce que les archéologues du XIX° siècle ont fait du dehors". C'est si vrai que le passionné de la Rome antique que je suis n'éprouve nul besoin de chercher quoi que ce soit d'autre à lire sur le personnage.
Marguerite Yourcenar a allié avec maestria vaste érudition et beauté poétique de la langue . Elle aura été Clio, Erato et Polymnie tout à la fois!
Son livre est constitué de trois ensembles. Je conseille vivement de ne pas négliger les deux derniers qui ne doivent pas être vus comme des notes de l'auteur, mais comme parties intégrantes d'un tout qui a bien failli ne jamais voir le jour et dont l'aboutissement aura nécessité quelque vingt années. Mais les véritables chefs d'oeuvre ne sont-ils pas comme les hommes de qui l'Hadrien de
Marguerite Yourcenar affirme que "rien n'est plus lent que [leur]véritable naissance"?
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