Avoir des choses à dire, c'est tout sauf converser. Car c'est toujours par effraction que le barbare surgit dans la conversation. Dérobant la parole aux bien-parlants, il lui insuffle une force nouvelle en la transfigurant en événement – plus exactement, en attentat.
Kateb Yacine, de son propre aveu, est un barbare. Avec une simplicité déconcertante, il a déclaré : “je sens que j'ai tellement de choses à dire qu'il vaut mieux que je ne sois pas trop cultivé. Il faut que je garde une espèce de barbarie, il faut que je reste barbare.“
Que toutes ces belles idées leur parviennent de la même main que celle qui leur maintient la tête sous l'eau ne peut être sans effet sur leur réception. Si elles semblent rejetées en bloc, ce n'est pas tellement pour ce qu'elles sont effectivement mais parce qu'elles servent objectivement à marquer la supériorité morale d'un monde qui les méprise. Le progressisme dans les cités, c'est via les flics qu'il se déploie en pratique. Dans les pays du Sud, ce sont carrément des bombes.
Qui est assez bête pour ne pas imaginer les ravages d'une telle politique « civilisatrice » sur les populations qui en sont les cibles ?