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Critique de kuroineko


Posé sur la table des nouveautés à la médiathèque, voici déjà trois ans, cette explosion de fleurs de cerisier m'a attrapée sans que je puisse m'en détacher. Bravo aux éditions Acte Sud pour leur couverture magnifique.

Une fois le livre ouvert, j'ai découvert un monde bien moins rose que les sakura en illustration. Il est vrai que le parc Ueno à Tokyo est renommé pour la célébration annuelle du "hanami" (la contemplation des cerisiers en fleurs, qui donne lieu à de joyeuses festivités entre amis, collègues ou en famille). Pourtant la sortie parc de la gare de Ueno ouvre sur une perspective autrement plus dérangeante : un véritable village constitué de bâches et cartons, servant d'habitat précaire aux personnes tombées à la rue.

Le narrateur est un homme âgé, SDF alors qu'il a travaillé comme une bête des années pour entretenir sa famille. Lorsque sa femme et son fils unique meurent, il réalise qu'il ne les a quasiment pas vus tout ce temps où il se vouait à son entreprise (mentalité et situation récurrentes chez les salary-men nippons).

Reclus dans la cité des invisibles de Ueno, il détaille misères et beautés de la nature. Je dis invisibles mais pas toujours car les services de nettoyage leur tombent régulièrement dessus pour faire disparaître cette tache sur le paysage urbain tokyoïte. Qui plus est lorsqu'un membre de la famille impériale vient à traverser le parc. Cacher ce pauvre que je ne saurais voir (ça, ce n'est pas propre au Japon mais se retrouve partout où des personnes sont à la rue).
L'esprit du narrateur force l'admiration à contempler le passage des saisons et leurs expressions florales et végétales, à encaisser les battues des services de nettoyage avec un fatalisme incroyable, à écouter les discussions des "vrais" citoyens tokyoïtes dans le parc, etc. Il est pourtant des moments où la mort serait délivrance d'une vie dont le sens lui apparaît pathétique et inutile.

Yu Miri, d'origine coréenne, signe avec ce roman une histoire troublante et qui dérange énormément. Si elle mêle à son texte des touches poétiques et une écriture raffinée, son propos reste grave et concerne nombre d'êtres humains tombés dans la déchéance. Elle a longuement enquêté pour rédiger son ouvrage, qui lui prit douze années. Son approche sensible fait la part belle à une profonde humanité. Un livre très fort, très émouvant, qui conduit aussi à se demander ce que vont devenir ces villages de bâches lors des Jeux Olympiques d'été dans la capitale japonaise en 2020.
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