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Critique de Apoapo


Les premières pages le précisent : « fumer » les livres, c'est revendre sa bibliothèque petit à petit à un libraire d'occasion, afin d'en utiliser l'argent pour l'achat de tabac. Et portant, mon imaginaire, sans doute conditionné par l'expression « partir en fumée », s'envole vers des cauchemars d'autodafé, en particulier par association avec le célèbre premier roman d'Elias Canetti qui porte précisément ce titre. Et ça m'étonnerait que l'auteure n'ait pas fait exprès d'entretenir cette confusion peu ou prou.
Cet acte de renonciation volontaire à sa bibliothèque, même après relecture des ouvrages dont la narratrice se sépare dans un ordre auquel elle attache beaucoup d'importance, en conjonction avec le thème de la fumée, est assurément un acte sacrificiel et un symptôme de souffrance existentielle dérangeants donc pour tout lecteur enclin à la projectivité voire à l'identification (ainsi j'interprète les commentaires négatifs lus sur ce livre qui, moi, m'a beaucoup plu). Zamoum l'y pousse d'autant plus délibérément que se joignent au sacrifice d'autres ingrédients narratifs relevant de recherche du réalisme – le parcours socio-professionnel précarisé de la narratrice, ses multiples amours, son logement sous-loué à un émigré algérien reparti pour sa retraite, bref, son quotidien rempli de considérations épisodiques véridiques non dépourvues d'humour. Par dessus tout, ce réalisme dérangeant concerne l'évolution dynamique du personnage, que l'on voit mûrir sous nos yeux, en cinq ans.
Sa souffrance existentielle s'estompe, ses amours viennent à maturité, ses faibles ressources ne sont plus la misère, même son nouveau travail perd son caractère rébarbatif, mais d'abord et surtout, la liquidation de sa bibliothèque est envisagée en parallèle avec la possibilité d'un création littéraire, inconcevable au début. Comme un contrepoint ou une compensation. Concrètement, la relecture des livres avant bradage porte la narratrice à entamer une réflexion assez élaborée sur « ce qu'implique pour l'écrivain d'écrire ». le roman se transforme insensiblement en essai sur la littérature contemporaine, en guise de tâtonnement de la narratrice en quête de sa poétique à venir. Cette réflexion accompagne les genres et les auteurs qu'elle « fume » au fil des pages, par ex. le « tabac-Camus » ou le problème d'identité chez Romain Gary : autant d'obstacles ou de contraintes surmontés contre son inhibition à écrire. Maturation psychologique et intellectuelle d'une narratrice. L'humour et le quotidien aidant le texte à rester romanesque...
La chute ne présente d'éléments de suspense que la révélation ô combien essentielle du prénom du libraire, et la décision salutaire d'arrêter de fumer, sans pour autant de regret « d'avoir tant fumé » !
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