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Critique de encoredunoir


Mr Frankie a été guitariste rock, poseur, égoïste et pas vraiment talentueux. de quoi impressionner un peu les filles et quelques journalistes underground barcelonais. Avec un fait de gloire toutefois : Mr Frankie a, un soir, accompagné Johnny Thunders sur scène. Bon… c'était en 1989, à un moment où Thunders finissait de brûler la chandelle par les deux bouts. Mr Frankie a plus ou moins pris le même chemin, mais en beaucoup moins flamboyant. La came, l'alcool, les femmes et pas un seul disque à son actif. Jusqu'à redevenir, la cinquantaine bien sonnée, Francis. Un Francis qui est de retour chez son père, dans le quartier de son enfance, la queue entre les jambes et pas un sou en poche pour payer les pensions alimentaires de ses gamins.
Ce Francis que l'on trouve là, empâté, mou et veule, découvre après avoir longtemps rêvé sa vie ce qu'il en a réellement fait. Pas grand-chose, donc. Alors que l'attend un passage devant le tribunal pour le règlement de ses pensions en retard, il ne songe plus qu'à trouver un boulot, de quoi faire un peu patienter la justice et son ex-femme, de quoi retrouver un peu d'estime pour lui-même. Il renoue avec Dalmau, ancien complice de came, et retrouve par la même occasion Marisol. Marisol a vécu dans la famille de Francis dans son enfance. Elle est aujourd'hui la femme de don Damián, vieux parrain du coin, et couche avec son bras droit, Xavi, qui est aussi celui à qui Dalmau rend parfois des comptes. le quartier est petit et Barcelone pas si grande que ça. Il est facile d'y replonger dans le passé, mais il est toujours aussi dur pour Francis de regarder ce passé en face sans l'idéaliser. Pour ce qui est de replonger dans les plans foireux, par contre, rien de mieux que de revoir tous ces gens-là.
Après Soudain trop tard et N'appelle pas à la maison, Carlos Zanón continue à faire explorer au lecteur l'autre côté de la carte postale barcelonaise, les vies sur les marges d'une population minée par la crise économique et oubliée du supposé « miracle catalan ». Il a surtout assez de talent pour réussir à intéresser le lecteur à des personnages aussi pathétiques que Francis, son père Paco, Dalmau ou Xavi. Pauvres types embourbés dans des vies minables et qui passent une bonne partie de celles-ci à essayer de le faire payer aux femmes qui croisent leurs routes. Sous l'apparence de la communauté, c'est bien le chacun pour soi qui domine, et ce qui attendent autre chose de la vie en sont pour leurs frais. Marisol ou la vieille doña Ima sont les martyres low-cost des épopées au rabais d'hommes trop petits, même pour leurs rêves à deux sous et qui, pour les accomplir, n'hésiteront pas à leur marcher dessus ou à les abandonner.
Autant dire que Zanón touche là à la quintessence du roman noir social et naturaliste. Sans démonstration inutile mais avec les mots du poète qu'il est aussi (et l'on est parfois un peu frustré de ne pas pouvoir le lire en version originale malgré la traduction de qualité d'Olivier Hamilton), il livre un roman épique à sa manière, violent et tragique.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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