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Critique de Elwyn


La satire sociale est un exercice que j'aime beaucoup, car elle fait écho à ma vision parfois cynique du monde, donc j'ai toujours du plaisir à me plonger dans ce type d'ouvrage, surtout quand cela porte le label « Science-Fiction ». A l'inverse de Quality Land, lu récemment et publié chez le même éditeur, Coeurs Vides propose une toile située dans un futur bien plus proche, et plus sombre : 2025.

En 2025, Angela Merkel a été démise du pouvoir par l'opinion publique, renversée par le Comité des Citoyens Concernés (CCC), un groupe politique extrémiste, autoritaire, et abolissant petit à petit les libertés du peuple allemand.

La politique de l'autruche
C'est le désintérêt du peuple, et probablement sa lassitude qui a pu mener à une telle situation politique. Car il est plus simple de ne pas chercher à comprendre, dans un monde où l'information est tellement dense. Car il est plus simple de voter pour le candidat qui nous apparaît le plus sympathique. Car il est plus simple de ne pas voter, simplement. En effet, une majorité du peuple allemand préférerait être démis de son droit de vote que de son lave-linge.

L'Allemagne n'est pas seule non plus. Après le Brexit, la France (avec le Frexit) a suivi le même chemin, et nombreuses sont les nations qui sont en passe de suivre cette voie. La désunion est maîtresse dans le contexte géopolitique actuel.

Ces constatations font froid dans le dos. 2025, c'est demain, et Coeurs vides s'annonce presque comme une mauvaise prophétie. Ce n'est pas un secret, la polarisation des extrêmes politiques grandit de jour en jour, et le taux d'abstention lors d'élections ou votations atteint des records.


For the greater good, questionnements éthiques
A l'instar des questionnements politiques, ceux relatifs à l'éthique font également preuve d'une importance majeure dans ce récit. On les retrouve dans le propos général de l'autrice, mais également incarnés par son personnage principal Britta, qui a son tour les soumet à sa meilleure amie (Janina) en quête de validation.

Britta sait, au plus profond d'elle, que son activité est fondamentalement douteuse, et que le secret qu'elle entretient auprès de ses proches la ronge. En effet, le Pont est une entreprise de psychothérapie. En deçà de ce pignon sur rue, le Pont est un intermédiaire entre des hommes suicidaires, éprouvés par le Pont, et des organismes terroristes (et qu'importe la cause) qui les emploieront comme kamikazes.

Finalement, ne serait-ce pas offrir une mort digne à des hommes persuadés de cette décision, en leur offrant d'aboutir à leur désir par le service d'une cause ? Ne serait-ce pas leur offrir une plus belle dernière action que celle qu'ils auraient eu sans rencontrer le Pont ? D'avoir l'opportunité d'avoir une dernière fois des paillettes dans les yeux avec une mort infaillible ? Mais ne serait-ce pas non plus cautionner le terrorisme, qui, d'un point de vue objectif, est intrinsèquement mauvaise ?

Nihilisme
Le roman revêt aussi une dimension presque philosophique, avec de nombreuses références au nihilisme que l'on peut retrouver dans les descriptions de Nietzsche, Cioran ou encore les sceptiques du XIX. le courant proclame, notamment, l'amoralisme, le scepticisme moral, l'effondrement des croyances, un rejet de l'idéalisme. Ce nihilisme est démontré tant dans les découvertes propres au déroulement du récit, que dans le déclin psychologique de Britta.

Autres menus détails
Dans l'ensemble, le récit est plutôt lent, dans une sorte de contemplation presque morbide. le récit et l'intrigue sont là pour servir le propos que défend l'autrice. Ce n'est pas un livre vraiment plot-based, peut-être un peu plus character-based, bien qu'ils soient froids – à l'image du roman. J'admets que celui que j'ai préféré, c'est Babak, que j'ai trouvé attachant.

De plus, à quel point ce livre fait-il vraiment partie du genre de la science-fiction ? Les éléments présentés sont tellement crédibles que le titre paraît presque être plus une prémonition, une anticipation qu'une dystopie.

Finalement, j'ai envie de conclure en disant que même si le roman est sombre et déprimant, il se conclut sur une sorte de résolution teintée d'une lueur d'espoir, ténue.

En résumé : Coeurs vides est un bon roman d'anticipation dystopique, mais surtout de critique sociale, politique, crédibles. le rythme est plutôt lent, et je pense que ce titre n'est donc pas fait pour tous. Beaucoup risquent de ne pas y trouver du plaisir et de la compréhension, mais ça n'a pas été mon cas !
Lien : https://navigatricedelimagin..
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