Donc, face à une agression, nous posons nos limites. Le but n'est pas que l'autre s'excuse, mais qu'il arrête le comportement qui nous a dérangées.
Nous ne pouvons jamais savoir avec certitude si une transgression de limites a été faite avec ou sans mauvaise intention, ou pour démontrer que l'autre peut transgresser nos limites en toute impunité, ou pour provoquer nos émotions, ou pour tester si nous sommes prêtes à poser nos limites ou pour d'autres raisons encore. Ce que l'agresseur veut n'est pas important. Ses raisons ne nous intéressent pas. Ce qui est important, c'est que cela nous dérange, et c'est la raison pour laquelle cela doit cesser.
On nous cite un catalogue de situations, de lieux et de comportements dits provocants qu’il nous faudrait éviter à tout prix, au nom de notre propre sécurité. Porter certains vêtements, sourire, parler avec des inconnus, sortir ou voyager seule (seule voulant dire sans homme, car plusieurs femmes ensemble sont toujours encore perçues comme “seules”), surtout la nuit, prendre les transports en commun, investir les espaces publics, surtout les parcs, les parkings souterrains, les rues désertées… Je m’étonne toujours que respirer ne soit pas encore catalogué comme dangereux. Vu la majorité écrasante de violences faites aux femmes par leurs partenaires, le mariage (ou la cohabitation) est sans doute un facteur de risque réel bien plus grand que les situations, lieux et comportements cités ci-dessus ! Mais, curieusement, les mêmes experts de sécurité oublient de nous conseiller le célibat comme stratégie de prévention ultime…
Les femmes vivent d'autres formes de violences que les hommes, et elles les vivent différemment. Leurs craintes et leur sentiment d'insécurité se focalisent sur d'autre situations et sur d'autre risques.
Dans ce livre, nous verrons comment notre éducation et notre socialisation en tant que femmes nous préparent -mal, le plus souvent - à faire face à des agressions, la plupart du temps commises par des hommes qui, eux, ont appris le vocabulaire de la violence.
Nous verrons surtout que se défendre ne consiste pas en quelques coups de karaté bien placés. Il nous faut plus: le sens de notre propre valeur, la permission que nous nous donnons de nous défendre, la présence d'esprit, la maîtrise de nos émotions, un sixième sens pour détecter le danger, des stratégies pour prévenir la confrontation physique. C'est tout cela qu'enseigne l'autodéfense féministe.