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Critique de sylviedoc


Premier roman de Jeff Zentner, qui après une carrière de guitariste (avec des "grands", comme Iggy Pop ou Debby Harry) et d'auteur-compositeur se lance dans l'écriture pour Jeunes Adultes. Et il a bien raison, le talent est là aussi, tout comme pour la musique !
"Le Roi Serpent" est un roman bouleversant sur la fin de l'adolescence, l'amitié, la mise à l'écart quand on sort un peu des clous, et la confrontation entre la vie dont on rêverait avec la dure réalité. On partage la dernière année de lycée de 3 amis à Forrestville, bourgade du Tennessee proche de Nashville (où vit l'auteur).
Dill, surnommé "Dildo", c'est-à-dire sex-toy par ses condisciples, est fils d'un pasteur qui lors de ses prêches manipule des serpents venimeux et boit de la strychnine pour prouver sa foi en Dieu. Déjà sympa, n'est-ce pas ? Mais en plus, le cher papa est en prison pour détention d'images pédopornographiques sur son ordi, et c'est un peu la faute de Dill, puisqu'il a refusé d'endosser les fautes de son père comme sa chère maman l'aurait souhaité, c'est pas gentil ça, Dill ! Donc, du coup, il va falloir songer à un avenir radieux consistant à bosser à plein temps dans la supérette où il trime déjà sur son temps libre, en plus du lycée. La fac, on oublie, la musique, pour laquelle il semble doué, ce sera pour les loisirs si par hasard il reste du temps pour ça, et de préférence pour chanter les louanges du Seigneur.
Travis est le meilleur (et presque unique) ami de Dill. C'est un gentil géant, pacifique (sauf si on met des baffes à son copain sans raison), et fan de l'univers fantasy, notamment de la saga "Le règne du sang" dont il dévore assidûment chaque tome. Lui aussi a un père particulièrement investi dans l'éducation de son plus jeune fils, surtout depuis que l'aîné a perdu la vie en servant son pays dans les Marines. Ce soutien se traduit essentiellement par des insultes et des coups. Ses mots d'encouragement pour la rentrée : (parlant de l'éventuelle intégration de Travis dans l'équipe de foot) "je lui ai expliqué (à l'entraîneur) que tu ne courais pas très vite, et que tu ne rattrapais pas très bien la balle, mais que s'il cherchait un bon gros tas de viande à placer sur la ligne de défense, tu ferais l'affaire" (p.46) ou encore "enfin, tout ça pour dire que c'est à ça que tu me fais penser, quand je te vois traîner avec le fils du prédicateur pervers (Dill) et ta copine gouine. Une grosse dinde qui se prend pour un canard" (p.47). Heureusement pour lui, Travis a ses lectures pour s'évader, et le forum où il partage sa passion avec Amelia, une fan de la même série que lui. Parce que pour l'avenir, c'est un peu plombé aussi, Travis n'a pas beaucoup d'autres perspectives que de continuer à travailler à la scierie paternelle.
La "copine gouine", c'est Lydia, qui tranche pas mal dans le trio. Des parents aisés et attentifs, un blog d'influenceuse "Dollywould", avec des milliers de "followers" (suiveurs), une voiture qui lui permet d'emmener ses copains en virée à Nashville pour les relooker, et un sens de la répartie grâce auquel elle ne souffre apparemment pas d'être mise au ban de sa classe : "Comment dire...oui je suis la fille la plus cool de mon bahut. Par contre, question popularité... Disons juste qu'être une star sur internet ne me donne pas vraiment la cote auprès de mes petits camarades.
- Enfin si, mais une cote négative, précisa Dill.
- Vrai. Au lycée, être une fille et donner son avis tout haut, ça ne rapporte pas vraiment de points" (p.25)
Au contraire de ses deux amis, Lydia peut envisager de poursuivre ses études, et projette d'aller vivre en colocation à New York. Elle essaie de les pousser à sortir de la médiocrité de leur vie et à se donner eux aussi une chance d'en sortir, en exploitant leurs capacités et leurs talents. En attendant la séparation quasi-inévitable, elle savoure chaque instant en leur compagnie.
J'ai beaucoup apprécié son personnage de moteur positif, qui exploite les avantages liés à son milieu favorisé pour tirer ses amis vers le haut. Mais elle a aussi un côté moins glorieux, si elle assume pleinement ses fréquentations devant les autres habitant de Forrestville, ce n'est pas le cas sur son site, où elle craint de perdre sa crédibilité en y présentant ses amis, qui ne seraient sans doute pas à la hauteur selon les critères de ses suiveurs branchés. Les deux garçons ont également leurs faiblesses, mais c'est ce qui les rend touchants et attachants. D'autres personnages sont sans nuances et présentés sous un jour exclusivement négatifs : les pères de Dill et Travis sont des affreux, point barre. Les mères sont soumises, celle de Dill par conviction, celle de Travis par crainte, quoi qu'elle essaie tant bien que mal de protéger son fils. L'ambiance de la petite ville du Sud profond des Etats-Unis est crédible, même si le trait n'est pas trop forcé, on sent quand même de la part de l'auteur un amour pour cette terre où il vit. Et pour la musique, aussi.
Ce n'est pas loin du coup de coeur pour moi, j'ai vraiment passé un excellent moment avec le trio d'amis, je me serai volontiers invitée un vendredi soir chez Lydia à mater un film ensemble ou écouter chanter Dill s'accompagnant à la guitare, mais il m'a manqué un petit quelque chose pour être totalement emportée. Difficile d'expliquer quoi exactement, peut-être un peu plus d'action au lycée, où ils passent quand même pas mal de temps. Et la fin ne m'a pas totalement convaincue non plus, mais ça c'est selon la sensibilité de chacun, on ne peut rien en dire. Mais je pense sérieusement à lire "Le jour de nos adieux", second roman de l'auteur, et à proposer celui-ci à mes élèves lycéens. Une lecture plus que recommandable !


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