Un livre atypique, qui se présente comme une suite de onze prétendus documents (journaux intimes, témoignages, reportages, …) écrits par Michele
Robledo, journaliste vivant difficilement de son métier et devenu brusquement célèbre à la suite d'un reportage intitulé « Ghost Class Heroes ».
Ce reportage, absent du roman, traite de
travailleurs clandestins, qui s'insèrent discrètement dans différentes entreprises et travaillent sans salaire ni contrat, juste pour le plaisir de travailler. La plupart appartiendraient à une organisation clandestine, TPT (Travail pour le Travail) ; ils vivent de leurs économies ou grâce à la débrouille, jusqu'au jour où, n'ayant plus d'argent, ils se suicident sur leur lieu de travail ; c'est ce qu'ils appellent leur « parcours personnel de libération ». Presque tous les autres documents sont liés à ce reportage fondateur.
Ces onze documents sont précédés d'un avant-propos de l'éditeur, d'une note à la présente édition et suivis par une postface de Daniele Zito, un plan original de l'oeuvre et une bibliographie. le tout présenté comme un ouvrage bien documenté sur un personnage ayant réellement existé, alors que tout est factice, y compris la bibliographie aux noms d'éditeurs juste déformés. de plus, des réserves sont émises sur l'authenticité des textes, qui pourraient être l'oeuvre de la police… ? Egalement sur Robledo lui-même : serait-il le créateur de TPT ?
L'ensemble est adroit, bizarre, étonnant.
On referme le roman à la fois troublé et admiratif devant ce pastiche de document, étourdi devant ce récit où tout paraît véridique, alors qu'il s'agit d'une fiction, remise en plus en question à chaque page.
Car le point de départ est saugrenu : des personnes saines d'esprit travailleraient « pour le plaisir » et sans gagner d'argent, quand l'immense majorité de l'humanité travaille pour gagner de l'argent et sans plaisir !!! Et
Robledo le narrateur note lui-même l'absurdité de l'acte.
« Travailler chez McDo sans toucher de salaire, était-ce réellement la seule chose à faire ? Qui, à part un fou ou un dépressif, pouvait seulement imaginer faire une chose pareille ? » (p.186)
Un recruteur de TPT prend soin de préciser que les personnes ciblées sont celles qui sont isolées et n'ont aucune vie sociale, pour rendre un peu plus vraisemblable l'argument.
Ce roman, moitié compte-rendu d'un fait de société et moitié analyse sociologique, propose finalement une réflexion sur la précarité et sur la dimension plurielle de la réalité.