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Critique de Allantvers


Me voilà bien embêtée : J'avais sous-entendu, dans ma chronique sur « l'Assommoir », que s'il ne fallait lire qu'un seul des Rougon-Macquart, c'était celui-là. Mais ça, c'était avant de relire « Au Bonheur des Dames » ! et il va me falloir faire une petite place sur le podium à ce monument-là.
Doublement monumental, ce monument : l'oeuvre, et le magasin, le second offrant à la première prétexte à une prose somptueuse, plus vivante que la vie, impressionnante de mouvement, de superbe et d'industrie, qui porte en elle tout le bouillonnement de cette fin de siècle parisien emportée dans les flots de l'argent roi et le tumulte du commerce de masse naissant.
Nous sommes au théâtre, et c'est le décor qui tient le premier rôle dans ce texte où les descriptions, pourtant longues et répétées, fascinent et emmènent le lecteur plus loin que nulle part ailleurs. Jamais je n'ai lu de texte descriptif avec les yeux si grand ouverts, au point que consulter des gravures d'époque est bien peu au regard de la puissance d'évocation du Bonheur des Dames et de son luxe, ses rayons plantureux, ses agencements calculés, son activité industrieuse, sa croissance exponentielle, son rayonnement létal sur le petit commerce de rue, sa puissance d'attraction de toutes les classes sociales autour de la consommation.
Gravitant autour de ce temple, les personnages principaux et secondaires, animés par un Zola au sommet de son art, l'ancrent dans son axe : la société fortement hiérarchisée populaire et petit bourgeoise salariée du magasin, tendue vers ses aspirations individuelles d'ascension sociale ; la masse hystérisée à chaque nouvelle collection des clients ; ou plutôt des clientes, ces femmes, toutes classes confondues, par lesquelles Mouret le commerçant visionnaire et bouillonnant arrive et qu'il tient dans sa main, sauf une : la tendre mais inébranlable Denise, pierre angulaire de l'édifice bien qu'hermétique à son chant de sirène.
Et Zola de parfaire le tableau avec un contrepoint à cette incandescence dans l'évocation des pauvres Baudu qui moisissent dans leurs draps invendus, Bourras le résistant brandissant ses parapluies que les clients dédaignent, tous cette misérable société de petits commerçants d'un temps révolu, sacrifiés sous les ors du Bonheur.
Pas une ligne de trop, pas une seconde d'ennui, pas une scène qui ne soit réussie ; leçon d'économie, précis de sociologie parisienne, traité d'architecture, chef d'oeuvre de romantisme et de naturalisme : aucun doute, « l'Assommoir » va devoir se serrer pour faire une place à son glorieux pendant !
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