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Critique de marko59


Ce qui me fascine chez Zola c'est d'abord l'habileté avec laquelle il mêle le roman populaire, avec ses rebondissements (la plupart des livres étaient publiés par épisodes) et ses excès mélodramatiques, et la réflexion sur les hommes de son époque, leurs moeurs, l'atmosphère dans laquelle ils évoluent à tous les niveaux de la société, dans un soucis documentaire extraordinairement exploité.

L'un des intérêts de L'Oeuvre est qu'il se met en scène pour la première fois lui-même au travers du personnage de Pierre Sandoz, journaliste et écrivain, en même temps qu'au travers de Claude Lantier (le fils de Gervaise de L'Assommoir, le frère de Nana et d'Etienne Lantier de Germinal) qui reste cependant avant tout un portrait mélangé de Cézanne et de Manet. Cela lui permet d'exprimer ses connaissances et sa passion pour l'Art de son époque, cet incroyable bouillonnement créatif qui allait faire émerger tout l'art contemporain avec la rupture d'avec le romantisme et l'apparition du réalisme, du symbolisme, de l'impressionnisme... Pour ne parler que de la peinture. Et ce roman nous fait revivre cette époque et redécouvrir tous ces artistes à travers une fiction et des personnages imaginaires qui synthétisent leurs diverses caractéristiques. C'est passionnant et tous ces enjeux autour de ces fameuses sélections du Salon et du Salon des refusés créent un véritable suspens en même temps qu'ils s'animent d'une vie assez sidérante. Chaque "épisode" contient d'ailleurs ses morceaux de bravoure littéraires.

On est d'entrée emporté par le flot romanesque. Un orage sur les ponts de Paris la nuit, un jeune peintre fauché qui rentre dans son atelier sous les toits, une jeune inconnue qui attend dans l'entrée de l'immeuble à peine éclairée. On a déjà envie de savoir ce qui va leur arriver et leur parcours, leurs amours, leur escapade sur les bords de Seine à Bennecourt, leurs difficultés financières, leurs joies puis leurs souffrances sont captivantes.

Gravitent autour d'eux tout un groupe d'artistes en mal de reconnaissance. D'abord solidaires, combattifs, ils finiront parfois par devenir rivaux. On reconnait ça et là des traits appartenant aux principaux amis de Zola, de Cézanne à Pissarro, de Monet à Philippe Solari, le sculpteur, de Baille à Manet.

Il y a des passages formidables comme l'effondrement de la statue de Mahoudeau (Solari), la bienveillance lumineuse de Bongrand, ce vieux peintre et gloire du passé que j'imaginerais bien représenter Gustave Courbet, qui sait reconnaitre le talent, qui tente de venir en aide. Il y a aussi cette apparition presque fantômatique d'un peintre qu'on croyait mort et qui vit reclu. C'est Corot dans toute sa discrétion. Et tellement d'autres anecdotes émouvantes, révoltantes. Les marchands d'art, les critiques académiques...

Et puis il y a la violence de la création. Sa solitude, son égoïsme, les sacrifices qu'elle impose, la folie sous-jacente qui n'est jamais bien loin. le fameux tableau que tente d'achever Claude Lantier est également un compromis entre certaines oeuvres de Cézanne qui annoncent l'expressionnisme, le déjeuner sur l'herbe , La nymphe surprise et L'Olympia de Manet... Quelle époque!
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