AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Christophe_bj


Claude Lantier, le fils de Gervaise, la blanchisseuse de l'Assommoir, a été élevé par un vieil homme de Plassans qui aimait ses dessins d'enfant, et est devenu artiste-peintre. A Paris, entouré d'autres jeunes artistes, peintres, sculpteur, écrivain, il rêve de révolutionner l'art en le sortant de sa gangue académique et officielle. Plein d'allant, d'énergie et de fougue, il ne parvient cependant à présenter son tableau « Plein air » qu'au Salon des Refusés, et encore suscite-t-il l'hilarité générale, même s'il le consacre comme chef de file de l'école nouvelle. ● On retrouve dans L'Oeuvre la structure ternaire qui domine dans nombre des romans de Zola, dont, par exemple, L'Assommoir : montée, sommet, déclin. Cette structure est parfaite pour raconter un échec, d'autant plus visible qu'il est précédé d'une période d'euphorie où tout semble possible. ● Mais ce roman se distingue nettement des autres romans du cycle des Rougon-Macquart par sa dimension autobiographique saisissante : de l'aveu même de Zola, il entre pour beaucoup dans le personnage de l'écrivain Sandoz (dans le nom duquel on retrouve des lettres du nom Zola). Il est dès lors intéressant de regarder vivre cet écrivain, car Zola nous divulgue des informations à la fois sur sa façon à lui d'aborder la création littéraire, et sur sa vie privée (ne se donnant pas le plus mauvais rôle !). Il apparaissait déjà dans Pot-Bouille, mais de façon très discrète, puisqu'il s'agissait d'une famille dont le père était écrivain et qui se cachait de tous. ● le roman est intéressant en ce qu'il permet de percevoir de l'intérieur les querelles esthétiques de la seconde moitié du XIXe siècle : tenants de l'académisme néo-classique contre l'avant-garde et l'impressionnisme : de nombreuses oeuvres sont ainsi analysées. ● Mais il est peut-être encore plus intéressant dans la manière dont il rend compte de ces tableaux et de l'art pictural en général, posant le problème de l'« ekphrasis », ou : comment parler d'un tableau avec des mots ? Tout l'art du romancier sera alors de résoudre ce problème dans des passages descriptifs (tant redoutés des lycéens). Plus généralement, le roman pose le problème de la vision : personne ne voit la même chose dans un tableau, mais dans la nature non plus, d'où le recours fréquent à la focalisation interne pour montrer ce que voit chaque personnage. ● Dans le personnage de Claude il est habituel de dire qu'on trouve Cézanne, ami de Zola, mais on trouve aussi d'autres peintres, et Zola lui-même, qui n'a pas seulement investi le personnage de Sandoz, voulant raconter les affres de la création : « Je raconterai ma vie intime de production, ce perpétuel accouchement si douloureux », écrit-il dans ses Carnets. ● On trouve également dans ce riche roman la rivalité entre l'oeuvre et l'être aimé, explicitement posée, la création niant l'amour, et même la rivalité tout aussi malheureuse entre la création artistique et l'enfantement, et enfin la rivalité entre l'art et la vie, l'un se nourrissant de l'autre dans une sorte de pacte faustien qui ne peut que mener le vrai créateur à sa perte. ● Mais malgré toutes les qualités de ce roman, malgré sa richesse incontestable, ce n'est vraiment pas mon préféré parmi les Rougon-Macquart ; je le trouve trop réflexif, trop intellectuel ; il y a trop de personnages aussi, on s'y perd un peu.
Commenter  J’apprécie          350



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}