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Critique de misstips


Purée je découvre que j'ai une force mentale de ouf, je viens de survivre au livre le plus sombre de l'histoire des livres lus. Je ne vous cache pas que parfois c'était avec le coeur serré serré. MARS, ce sont 315 pages d' essai sur le malheur, la tristesse, la névrose, la maladie, la mort, qui m'ont laissée sans voix. Complètement happée et... secouée.
Conseillée par Bouillier, l'auteur du Rapport sur moi, cette autobiographie en forme de traité sur la souffrance, à la fois philosophique, sociologique et franchement politique, est un texte nécessaire. Fritz Zorn a grandi en Suisse, sur "les rives dorées" du lac de Zurich et a eu une bonne vie de merde. Inimaginable. Qui s'est terminée par un cancer, qui l' emportera à l'âge de 32 ans. Il a jamais baisé non plus. A peine eu des amis.es . Mais des parents bourgeois bien comme il faut et un max de fric, ça oui. Sympa comme petit conseil de lecture avant Noël hein ? Bon je partage parce que je suis sciée par tant d'audace, de lucidité, d'intégrité, d'intelligence. Une ironie noire parcourt tout le récit, avec pour cible principale une bourgeoisie "tranquille", tellement tranquille ( elle rapelle celle que Begaudeau nomme "cool" dans Histoire de ta Bêtise), qu'elle tue. Fritz a été éduqué "à mort". Son texte est sa révolution, volontiers anti clérical, (Jésus s'en prend plein la gueule), il trouve ce dernier souffle pour disséquer l'origine du mal, de son mal. "Le Diable est lâché", plutôt l'enfer que l'ennui mortifère bourgeois. Je le conseille pour qui veut comprendre ce que c'est qu'une dépression, qu'une éducation ratée, qu'une incapacité totale au bonheur et ce que c'est d'être clairvoyant et couillu, le désespoir rend brave. Que "tous ceux qui n'aiment pas parler de ce qui est désagréable" passent leur chemin. C'est vrai, c'est âpre. Attention, c'est pas nihiliste. Au contraire, il y a une vitalité dingue et miraculeuse dans la description clinique des affres de cet homme. Écrit en 77, dans un style neutre mais limpide et fort bien agencé, il convoque des images parfois très violentes, nous sert des comparaisons inattendues et éclairantes, il se répète beaucoup, il insiste, sa volonté de transmettre l'injustice qu'il a subi est peut être la seule liberté qu'il se sera autorisée dans sa triste vie, et la seule chose à laquelle il tient vraiment, après avoir brûlé systématiquement tous ses écrits précédents (livre posthume, le seul et unique) . Il n'y aura pas de "détails " biographiques, sa vie sociale, familiale, amoureuse en étant dépourvues. Il dit tout. Sans ambage, sans filtre. "Pour l'amour de qui devrais je dissimuler l'histoire de ma vie ? Qui devrais je épargner par mon silence ?"
"La force de supporter ce que je sais" est déjà pour lui une consolation, une maigre satisfaction, ça, plutôt que des "manoeuvres de camouflages". Je m'incline devant tant de courage.
Histoire de compléter le tableau sur le sujet de la dépression, une petite bd super, GOUPIL OU FACE, légère et très instructive.
Des pistes donc pour nous aider parfois à comprendre cette terrible maladie, invisible, qui n'a souvent pas bonne réputation. Les gens malheureux dérangent. On leur demande souvent de relativiser. "Va donc à Moscou". "La poutre dans notre oeil nous importe peu tant que la paille dans l'oeil du voisin peut nous servir d'excuse". En gros, le malheur ne se hiérarchise pas.
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