AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gruz


San Perdido est un livre rare, à tous points de vue. C'est un premier roman, il restera pourtant gravé dans la mémoire de nombre de lecteurs.

David Zukerman est un conteur extraordinaire, et son récit est unique, entre audace et pudeur, sublimée par une plume profondément humaine.

San Perdido, petite ville côtière imaginaire du Panama, dans les années 40-50, peu après la construction du canal maritime. La pauvreté y est endémique, accolée aux quelques privilégiés qui contrôlent la ville et qui s'en mettent plein les poches. Un enfant noir d'une dizaine d'année, aux yeux bleus magnétiques, étrangement muet, va apparaître de nulle part au sein d'une décharge qui sert de lieu de vie à de nombreux citoyens. Tout au long de sa vie, il va marquer de sa main les lieux et l'époque, au point de devenir une légende.

Une histoire surprenante, des personnages d'une puissance singulière, un mélange des genres étonnant, et une écriture à la fois poétique et réaliste. Rare et donc précieux.

Voilà bien le genre de livre inclassable, entre roman social, destins de vie et noire intrigue, avec une étonnante touche de fantastique. Cette touche subtile, loin de dénaturer l'aspect réaliste du récit, en rajoute dans la fascination de lecture. Et ce n'est pas le seul ingrédient étonnant de cette histoire exotique.

San Perdido n'est pas la fable d'une seule voix. Elle est aussi chorale, avec des personnages tous marquants. Mais c'est bien cet étonnant Yerbo Kwinton qui marque le plus les esprits.

Sincèrement, je n'ai que rarement rencontré un protagoniste d'une telle puissance dans un roman. A cause de son regard dérangeant et de son mutisme, Zukerman fait passer milles émotions à travers son écriture hyper expressive et joliment poétique. Des émotions vécues à travers les autres personnes, ce qui renforce leur force.

J'ai vécu certaines scènes avec leur coeur qui s'emballait et les yeux grands ouverts. Les sensations ressenties sont presque indescriptibles tant elles sont viscérales, preuve de l'incroyable capacité de l'auteur à ébranler et exalter par ses mots.

Yerbo Kwinton tient autant du justicier, défenseur du peuple et des opprimés, que d'une sorte de messie noir (du genre à multiplier les pains, mais pas du même genre, si je peux me permettre ce mauvais jeu de mot). Issu de la communauté d'anciens esclaves noirs rebelles, les Cimarrons, il va vivre dans l'ombre et traverser ce récit, apparaissant et disparaissant, insaisissable.

Devant une telle maîtrise de tout ce qui fait un roman marquant, on cherche à comprendre le miracle. Sans doute le fait que David Zukerman ait écrit plusieurs pièces de théâtre explique qu'autant de scènes sonnent vraies et justes.

San Perdido est une formidable aventure. Exotique, émotionnelle et humaine. L'histoire est passionnante, les personnages inoubliables et l'écriture aussi vivante que poétique. Un roman sombre, littéralement transpercé de traits de lumière. David Zukerman, LA révélation d'un conteur hors pair. Rare, je vous l'ai dit.
Lien : https://gruznamur.com/2019/0..
Commenter  J’apprécie          274



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}