Comme nos goûts changent avec le temps ! Dire qu'il y a trente ans j'avais dévoré tous les romans parus en poche de
Stefan Zweig, qui d'ailleurs, aux côtés
De Maupassant, était mon auteur préféré. Dès lors c'est avec beaucoup de joie que j'avais saisi ce petit folio sur le présentoir de mon libraire, un peu comme on est heureux de revoir une amie perdue de vue avec qui on a partagé de bons moments.
Mais j'ai dû déchanter. Ce n'est pas que ces deux nouvelles soient mauvaises, non, mais je n'y ai pas retrouvé le plaisir de ma jeunesse…. Certes l'analyse psychologique est toujours très pertinente et très détaillée et la plume de Zweig précise et délicate. Sa description – gentiment politiquement incorrecte - d'un vrai métier est émaillée d'humour, et j'ai souri de la confusion entre le policier en civil et le
pickpocket, de la considération de Zweig pour le métier difficile de voleur à la tire, et de son regard empreint d'auto-dérision en évoquant « l'un de ces curieux qui peuplent les rues et dont le nombre est écoeurant ». Quant à la deuxième nouvelle, où une dame rend un peu de panache, de fierté, et même de dignité, à un comédien vieillissant et déchu, réfugié dans un asile de province, c'est une très belle histoire riche d'humanité et d'intelligence émotionnelle, comme on dirait aujourd'hui.
Mais j'ai trouvé ce texte tellement verbeux et encombré de détails, avec ses phrases longues comme un jour sans pain et ses paragraphes qui s'enchainent sans répit.
Si je devais croiser au coin de la rue mon amie d'adolescence (il y a peu de chance puisque j'ai déménagé dans une autre région et que j'habite dans une grande ville), peut-être éprouverais-je aussi ce sentiment d'étrangeté, de rupture avec moi-même et avec mes souvenirs. Qui peut le dire ?