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Critique de raton-liseur


C'est alors que l'avion atterrissait à Panama que je lisais les dernières lignes de ce livre, dans ce pays qui a rendu définitivement obsolète (sauf dans l'imaginaire des navigateurs, je tiens à le préciser car Zweig l'oublie et ce n'est pas un point de détail) la fameuse découverte de Magellan, ce détroit qui porte son nom et qui aujourd'hui « n'est plus qu'une notion historique et géographique » (p. 285, Chapitre 13, “Les morts ont toujours tort”). Zweig aurait peut-être aimé l'ironie de la chose, lui qui insiste beaucoup, dans sa biographie de Magellan sur l'aspect tragique de sa vie, tragique au sens grec du terme, au sens de la destinée implacable qui pèse sur un destin individuel. Selon Zweig, Magellan est en effet l'homme d'une idée qui jamais ne pourra savourer aucune de ses victoires, toujours obscurcies par un évènement qui ternit toute velléité de triomphalisme.
Zweig, qui a alternativement eu recours à la fiction et à la biographie pour comprendre les ressorts de l'homme ou d'une oeuvre, veut ici, avec la figure de Magellan, comprendre ce qui pousse un homme au long des jours et des mois sur des mers inconnues, toujours plus loin et sans savoir où il arrivera. Il en fait ainsi la quintessence, l'incarnation même, de l'explorateur, et n'hésite pas à voir une filiation entre Colomb et Magellan, affirmant à plusieurs reprises que « le rêve de Christophe Colomb qui voulait atteindre l'Inde par l'ouest est réalisé par Magellan. » (p. 234, Chapitre 11, “La mort avant le triomphe final (7 avril 1521-27 avril 1521)”). Un parallèle historique qui me plaît, même s'il va à l'encontre de ma volonté de croire que Colomb a trompé son monde et savait exactement où il allait, une hypothèse qui m'a toujours séduite mais qui me paraît de moins en moins vraisemblable, et que j'abandonne petit à petit bien qu'à regret.

Je le dis d'emblée, je n'ai pas vraiment apprécié ce livre de Zweig. Il a ce défaut que je reproche souvent aux biographies de manquer d'unité. Pour caricaturer, c'est « Cet homme est comme ça et comme ça, et c'est ce qui explique ses actions et réactions, ah, sauf celle-là, qui est cruciale ». Chaque pas est expliqué, mais sans donner une vision d'ensemble, une vision cohérente du personnage de Magellan. C'est d'ailleurs intéressant de voir que je n'ai trouvé l'écriture prenante qu'après la mort de Magellan, lorsque Zweig décrit en quelques pages enlevées le retour vers l'Europe. C'est quand il se libère du carcan de la biographie de son personnage et d'un besoin d'expliquer qu'il ne satisfait pas tout à fait que la plume de Zweig s'envole et communique la passion que l'on peut attendre du récit d'un tel épisode de notre histoire.
Il faut que je sois juste tout de même, cette lecture n'est certainement pas dénuée d'intérêt et, je ne pensais pas que ce qui est évoqué en une ligne dans nos livres d'histoire renfermait un tel roman. Je savais bien que, ironie de l'histoire, Magellan ne finirait pas ce qu'il avait commencé, que le premier homme à véritablement faire le tour du monde s'appelait Henrique, était disons basané et qu'on ne lui connait pas de nom de famille, mais je ne connaissais pas l'épisode de la mutinerie ni de la désertion, ni tout le tragique qui entoure la destinée de Magellan. C'est un livre qui m'a donné envie d'en savoir plus, et c'est finalement une bonne introduction à la relation de voyage de Pigafetta qui est sur mes étagères depuis plusieurs années mais dont le volume et l'écriture que j'imagine vieillie m'ont toujours un peu intimidée. Un livre de vulgarisation, mais que je ne conseillerais qu'aux inconditionnels de Zweig (dont je ne suis pas) ou aux explorateurs en chambre et aux marins de papier (dont je suis !).
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