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Critique de GrandGousierGuerin


Erasme, chantre de l'humanisme, méritait bien une biographie. Zweig s'y est donc attelé avec un attachement certain sans pour autant être obséquieux.
Figure éminente des milieux intellectuels De La Renaissance, Erasme se cisèle un destin à la pointe de sa plume et sous le poids du vélin de ses écrits. L'essor de l'imprimerie donnera une renommée dépassant largement les clivages de la naissance et des frontières à cet enfant illégitime qui restera pour la postérité le « prince des humanistes ».
D'aspect maladif et chétif, Zweig nous dépeint un Erasme au caractère proportionné à la physionomie : conciliateur, recherchant la concorde, refusant la confrontation ou le combat et voir même lâche selon ses détracteurs. La force d'Erasme ne réside pas dans sa pétulance mais dans sa force de travail, son intelligence et sa finesse d'esprit. Clerc plus par obligation pour pouvoir accéder à la connaissance et à l'instruction, Erasme joue finement pour garder les avantages de sa fonction sans pour autant supporter les obligations comme le port de l'habit, servir l'office de la messe et dans une moindre mesure le devoir d'obéissance.
Erasme représente l'aboutissement de l'humanisme et s'active auprès de ses livres à écrire des lettres à des correspondants aux quatre coins de la chrétienté ou des essais pour défendre et prôner les bienfaits du retour de l'homme à l'humain. Mais quel est donc cet humanisme ? C'est comme souvent un fruit de son époque : la Renaissance où les auteurs classiques grecs et latins sont redécouverts et mis à l'honneur, où une langue européenne permet se faire comprendre de tous (dans le sens erasmien, c'est-à-dire, les instruits et les lettrés …) : le latin et où l'Europe est régie par un christianisme accepté de tous sous la tutelle plus ou moins bien acceptée de papes, plus princes que bergers. Erasme se propose de remodeler la société en se basant sur la quête du savoir, de la connaissance, l'érudition et la recherche dans un souci de partage et en de vulgarisation. A cet effet, Erasme traduit en langue vernaculaire la Bible ou écrit son fameux Eloge de la folie où il stipendie astucieusement la société afin de montrer les idéaux vers lesquels nos efforts doivent nous conduire.
Mais Erasme représente également la décadence de son idée humaniste par son affrontement voué à l'échec avec Martin Luther, instigateur de la Réforme qui va bipolariser de manière durable ce monde autrefois si uniforme. Tout oppose ces deux hommes : aussi bien l'allure, la manière d'agir et de penser. Zweig examine à la loupe grossissante les adversaires, les faits et gestes .L'analyse qu'il en propose représente environ les deux tiers de cette courte biographie (moins de 200 pages).
Ecrit en 1935, on ne peut s'empêcher de replacer l'écriture de cet ouvrage dans son contexte où un Zweig, Erasme des temps modernes, pourrait s'interroger sur les prémices d'un cataclysme imminent et nous donnerait une dernière profession de foi un peu désespérée face à une fin du monde pressentie.
Cet ouvrage ouvre de nombreuses pistes de réflexions qui peuvent s'appliquer à d'autres époques avec des problématiques différentes dans un style alerte et relativement facile à lire. Et si ce n'est pas déjà le cas, vous comprendrez pourquoi on associe Erasme à un programme d'échange d'étudiants au niveau européen qui aurait sûrement recueilli tous les suffrages de ce « grand-père » de l'Europe !
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