Citations sur Affaire Lhermitte (25)
Le prénom "Geneviève" est composé de l'élément celte gen et de l'élément germanique vefa, qui se traduisent respectivement par "naissance" et "femme". "Geneviève" signifie donc "la femme qui donne la vie".
"Victime d'on ne sait quoi", concluait un psychologue consulté par Geneviève Lhermitte pendant ses études secondaires. Victime, dans cette histoire, tout le monde l'est. Une approche humaniste de l"affaire Lhermitte, qui est celle, en principe, de la justice pénale dans une démocratie, aurait à l'évidence été plus salutaire pour chacun. Car les faits commis par la mère infanticide l'ont été, non par un incident déclenchant, mais par une situation enracinée dans un vécu, perpétuelle et de tous les instants, sans fait particulier porteur qui s'invite à la table. Addition de plats aigres plusieurs fois repassés, il lui aura fallu parcourir un long chemin pour construire cette erreur morale dont elle aura fait sa logique... au point d'en perdre la raison.
On referme cependant la dernière page de ce livre avec le sentiment amer que cette fois, rien de tout cela ne s'est produit. Le procès de Geneviève Lhermitte a été une foire au monstre qui n'a définitivement pas contribué à penser les plaies.
... Paul Bensussan, expert psychiatre près de la Cour d'appel de Versailles et expert agréé par la Cour pénale internationale, décrit bien les infanticides comme étant "des états modifiés de conscience qui donnent à la personne soit une force physique considérable soit une force psychique qui leur permet de tolérer et de faire l'intolérable. Il faut nécessairement, pour affronter tout cela, sortir de soi-même, être dans une configuration parallèle. Le sujet est dissocié, scindé, et ce n'est que lorsque l'on réintègres on enveloppe que l'on réalise ce que l'on vient de faire".
Certains observateurs relayeront dans la presse que dès que les photos d'autopsie furent montrés à l'audience, le procès de Geneviève Lhermitte était terminé. Le carnage affiché sur grand écran, dont l'utilité aux débats sera d'ailleurs controversée, fit un tel impact sur le jury que les avocats de la défense ne purent plus faire grand-chose, malgré toutes les expertises en faveur de leur cliente, pour essayer de faire en sorte que le jury puisse tenter de la comprendre.
"Juger, c'est de toute évidence ne pas comprendre,
car si l'on comprenait, l'on ne pourrait juger."
André Malraux
Pile ou face, blanc ou noir, le jugement est repère, mais aussi refuge rassurant, en ce qu'il apporte une réponse sociétale pilier, celle de la punition, corollaire à l'infraction. Et pourtant, dans l'affaire Lhermitte, si côté cour, le choix fut effectivement celui de la répression, côté jardin, le gris lié à l'opacité des méandres de l'esprit de l'accusée conserve irrémédiablement une place certaine. C'est là que réside sans nul doute toute la difficulté de juger l'impensable.
Juger pour "sanctionner" ou comprendre pour "excuser". Condamner sans appel ou tenter d'expliquer l'incompréhensible est l'alternative qui s'offre aux jurés. Dilemme. L'adoption d'une option au détriment de l'autre entraînant un sentiment de culpabilité au regard de l'exigence de celle de facto sacrifiée, comme le décrit subtilement l'écrivain et chercheur en pédagogie français Philippe Meirieu : "[C']est une oscillation [...] un effet de balancier complexe entre le primat du respect de la loi collective et celui de l'attention à apporter l'histoire individuelle de chacun."
En janvier 2007, quelques semaines avant l'irrémédiable, la digue lâche. La pression est devenue trop intense pour Geneviève Lhermitte, qui craque. Les émotions et les ressentis sortent, mais à flots incontrôlables. La vague est trop forte. Elle glisse, sans point d'appui, d'un état stable qu'elle tentait de maintenir, jusqu'à la rupture d'équilibre. Dans ce basculement, sa seule solution pour mettre un terme à son niveau aigu de stress est le passage à l'acte.
Une répétition lancinante des mêmes gestes, un désir de perfection associé à un manque de reconnaissance, une impression d'être transparente, insignifiante parfois aux yeux de leur conjoint, toujours aux yeux de la société, une profonde solitude et un repli sur soi, de nombreuses mères au foyer connaissent le syndrome de l'épuisement maternel. Longtemps considéré comme le plus grand tabou de la maternité, ce burn-out vicieux varie en intensité selon la hauteur de la pile de linge, l'état de la vaisselle dans l'évier, la taille de la boîte à couture, le nombre de traces de doigts sur le frigo, la longueur de la liste de courses et le nombre d'enfants à gérer.