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Critique de 1966GT


Luce d'Eramo raconte son expérience fasciste, à la fois idéaliste et volontariste, dans un camp de travail nazi à Francfort, avec à la clé une déportation au camp de concentration de Dachau à la suite de sa rébellion contre ce qu'elle découvre de détestable dans le nazisme… Elle finit par s'évader à nouveau et travaille sous une fausse identité dans un hôtel, à Mayence. Lors d'un bombardement des forces alliées, gravement blessée et brûlée, elle survit miraculeusement, mais handicapée. Luce d'Eramo s'en remet tant bien que mal et s'engage dans une pérégrination à travers des zones dévastées par la guerre, pour finalement retrouver l'Italie.
C'est le résultat de plus vingt-cinq années d'un exercice de mémoire pour témoigner – à défaut d'expliquer – son engagement dans la voie du fascisme – voie déjà tracée par sa famille de dignitaires à la faveur du Duce. Mais aussi un exercice de remémoration et de réminiscence dans une perspective de quête de la vérité…
Le questionnement de la véracité des souvenirs de Luce d'Eramo, de la vérité historique de ses épreuves, mais également la mise à plat du « pourquoi » et du « pour quoi » constituent la trame de son introspection durant cette période du IIIème Reich. Pour aboutir à une analyse du régime concentrationnaire et du travail volontaire mis en place par le génie du mal nazi ; une sorte de dissection sans concession, dont la description est souvent crue, violente et dont l'odeur de la souffrance et de la mort se respire à plein nez tout au long des quelques 500 pages de ce témoignage troublant.
« le détour » – dont le titre en italien est « Deviazione » –, c'est la déviation des idéologies oppressantes et criminelles du fascisme et du nazisme pour les refuser, les fuir et virer vers une recherche de la vérité et du sens originel de la vie. Ce détour, pour l'auteure, c'est se détourner de toutes les contradictions spéculatives pour se diriger – ou se rediriger – sur le parcours de la liberté ; quitte à s'opposer à sa propre famille ; ce qui à la longue devient bénéfique et salutaire…
Lecture dérangeante à la rencontre de la complaisance au nazisme, et à la fois, lecture troublante face à la révolte contre cet accommodement de plus en plus insupportable. Ces deux facettes de la personnalité de Luce d'Eramo nous rappellent nos égarements, nos manquements, nos compromissions. Nous avons tous un secret – ou plusieurs – à dévoiler. Tel est le message et le témoignage de l'expérience nazie de l'auteure, une aventure qui ne s'efface pas si facilement de sa mémoire. Mais une telle épreuve peut-elle être biffée de ses souvenirs ? Eh bien ! non ! et c'est tant mieux pour la vérité historique mais aussi pour la liberté retrouvée, sa liberté à elle, notamment contre ses vieux démons…
Par-delà les convictions doctrinales, le récit relève que s'il y a un peu d'humanité chez les hommes et les femmes, elle se manifeste et se révèle dans les temps difficiles de l'existence, dans les épreuves – et surtout dans les plus insupportables. Quand des êtres de tous bords – fascistes, nazis, communistes, démocrates, anarchistes – se retrouvent dans le même bourbier insalubre, il n'y a plus d'intérêt à s'entretuer. Ainsi, mieux vaut s'entraider pour mourir plus dignement et en paix – avec les autres et avec soi-même.
Un livre de mémoire d'un passé qui n'est pas révolu comme on nous le laisse entendre, car l'histoire se répète en s'adaptant aux circonstances actuelles. Un livre de réflexion aussi, car la guerre meurtrissant les populations civiles est plus que jamais d'actualité dans bien des régions du monde…
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