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Critique de GeorgesSmiley


Vous reprendrez bien un petit Jean D'Ormesson ? Un format court de cent-vingt pages, en caractères assez gros. Une heure de lecture agréable, à écouter l'académicien vous faire la conversation de son ton léger et primesautier sur… rien !
Entendons-nous bien, il ne s'agit pas de parler de tout et de rien, comme vous et moi réussissons généralement à le faire assez bien. Il s'agit de : «L'idée, chère à Flaubert, d'un roman sur rien (qui) m'a longtemps travaillé en silence… Pour préparer deux de mes livres récents, je me suis intéressé en néophyte à un domaine qui m'était étranger et qui fait depuis cent ans des progrès fascinants : la physique mathématique et la cosmologie. »
Dieu, l'univers, le néant, le temps, la pensée, Darwin, le hasard, le soleil et la lumière défilent dans une conversation fluide, agréable, accessible, souvent convaincante même si, au bout du compte, votre perplexité resurgit au détour d'une phrase :
« Dieu est le néant d'où surgit notre tout. Il n'existe pas au sens où existent les choses et les êtres plongés dans l'espace et le temps. Il est de toute éternité puisqu'il est à la fois le rien et le tout, l'être et le néant. »
Vous refermez ce petit livre élégant, toujours aussi peu avancé sur ce problème diabolique qui vous taraude un peu depuis que vous avez compris qu'il y a une fin au grand film de votre petite vie. Pour tenter d'apaiser le vertige causé par ces angoissantes questions, vous vous retranchez derrière la dernière opinion que vous aviez adoptée sur le sujet. En ce qui me concerne, je doute fortement qu'un quelconque dieu puisse, une fois que j'aurai cessé de vivre, s'intéresser à un être aussi insignifiant, que ce soit pour lui demander des comptes ou l'affecter à un nouveau rôle. Si Dieu existe, je reste persuadé qu'il n'aura que faire de moi, ce qui m'inciterait plutôt à ne pas plus me soucier de lui que ce que j'imagine qu'il se soucie de moi.
Je repose le livre, une dernière pensée à l'auteur, pas plus immortel que ne l'étaient les membres de la garde prétorienne de Xerxès affublés pourtant du même qualificatif que nos académiciens, et je me fais la réflexion passe-partout de sortie de cimetière : « il a bien vécu ». Notez qu'il le dit bien mieux que moi : « J'ai aimé la vie qui est beaucoup moins que rien, mais qui est tout pour nous. Je chanterai maintenant la beauté de ce monde qui est notre tout fragile, passager, fluctuant et qui est notre seul trésor pour nous autres, pauvres hommes, aveuglés par l'orgueil, condamnés à l'éphémère, emportés dans le temps et dans ce présent éternel qui finira bien, un jour ou l'autre, par s'écrouler à jamais dans le néant de Dieu et dans sa gloire cachée. »
Quant à moi, merci c'était pas mal, je ne regrette pas d'être passé sur terre, je serais bien resté un peu plus, et voilà tout…
Pas tout à fait, finalement, car une autre idée vient de surgir, une image plutôt : de quelque part, je ne sais pas d'où, de nulle part ou d'ailleurs, l'écrivain au regard bleu, ou son avatar, m'observe en train de refermer son livre… et je distingue parfaitement son sourire ironique, celui de celui qui sait et ne dira rien…
Pfff… ou bien alors, ce sourire ne dissimule qu'un bluff et il n'en sait toujours pas plus que moi !
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