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Critique de Frederic524


Je découvre ce roman sur le tard. « le mage du Kremlin » de Giuliano Da Empoli est paru aux éditions Gallimard mi-avril. Un livre qui tombe en pleine actualité, avec le conflit provoqué par la Russie qui tente d'envahir l'Ukraine, pour y installer un régime fantoche pro Kremlin. Sans doute ce roman a t'il pâtit, malheureusement, de cette conjonction des planètes qui a empêché Giuliano Da Empoli de remporter le prix Goncourt cette année. C'est vraiment dommage car c'est un formidable roman sur les arcanes du pouvoir russe, ce panier de crabes cherchant désespérément à attirer l'oeil du Tsar ou bien à le conserver. Tout tourne autour de l'astre suprême. Cet homme moyennement intelligent, sans charisme, jugé comme étant un agent du contre-espionnage soviétique plutôt médiocre, a réussi à gravir échelon après échelon jusqu'à prendre le pouvoir. Ce tsar c'est Vladimir Poutine et l'homme qui se confie au narrateur n'est autre que Vadim Baradov, un conseiller politique important de Poutine qui a dû démissionner. Les Russes détestent l'horizontalité du pouvoir. Tout est fait pour que le pouvoir soit uniquement basé sur une construction verticale. Maire de Saint Pétersbourg, Poutine comme beaucoup d'hommes de cette période post chute du mur de Berlin, a été traumatisé de voir son pays humilié sur la scène internationale avec un dirigeant alcoolique et corrompu, Eltsine, vendant les biens de l'Etat aux hommes de son clan. L'insécurité et la corruption, la pauvreté, la déliquescence d'une institution comme l'armée, garante de l'honneur et de la fierté russe, tous ces éléments ont convergés pour mettre au pouvoir un autocrate comme Poutine. Celui-ci s'est fait connaître dès son arrivée au pouvoir en menant une guerre d'extermination contre la Tchétchénie en 1999-2000. L'opération est la marque de fabrique de Poutine : des crimes contre l'humanité avec viols systématiques des femmes, tortures, massacres de civils par les troupes russes ou bien par des missiles et autres unités d'artillerie. Cette guerre va impressionner le peuple russe qui se dit que cet homme, Poutine, va rendre la gloire perdue, à la Russie. C'est un nouvel impérialisme construit sur la frustration des masses, la propagande omniprésente, la soumission des oligarques dont certains sont éliminés physiquement ou expédiés en prison pour le restant de leur vie. La mise au pas des membres gravitant autour du Tsar est une autre « réussite » de Poutine. Son voeux est d'être craint, sa brutalité est sans limite, sa paranoïa aussi, son manque de scrupule, sa capacité à dissimuler ses pensées hérité de sa formation au KGB. Aujourd'hui, tous les hommes hauts placés sont des anciens cadres du KGB devenu FSB. Une anecdote montre l'ingéniosité de l'homme. Angela Merkel a été, alors qu'elle était enfant, agressée par un chien qui a manqué de la tuer sous le regard de son père. Merkel est terrorisée par les chiens. Lorsqu'elle se rend à Moscou, elle entre dans le bureau de Poutine pour échanger. Elle s'installe. Tout près d'elle, un énorme chien, Poutine lui demande malicieusement si il doit faire sortir le chien, soulignant qu'il y est très attaché. Poutine c'est aussi celui qui fait attendre près d'un quart d'heure, Erdogan, l'autocrate turque, à la porte de son bureau. le but est clairement de l'humilier. « le mage du Kremlin » est un roman passionnant car il démonte les pièces permettant au système Poutinien de tenir d'une poigne de fer l'Etat, le peuple, le FSB, l'armée, les médias etc. Toute opposition est muselée. On l'a vu pour « l'opération spéciale » menée contre l'Ukraine ou le simple fait d'user en public du mot « guerre » amène à être envoyé en Sibérie pour 15 ans… Poutine a plus que jamais mis l'Etat russe en coupe réglée pour lui et ses proches. Sa paranoïa l'a coupé du monde réel. Entouré de courtisans ultranationalistes, de conseillers du FSB, la guerre en Ukraine a fissuré l'image d'un Poutine maitrisant toutes les situations. Mais un homme comme lui, ne peut renoncer à gagner la guerre en Ukraine, son mécanisme psychique sans foi ni loi, fanatique et dénué de tout scrupules, peut conduire son pays à l'abîme. C'est une plongée dans l'âme russe, son nationalisme guerrier, son opposition frontale avec un Occident honni car jugé comme décadent. Poutine hait l'Occident, sa soif de grandeur peut le pousser à toutes les extrémités. « le mage du Kremlin » n'a remporté qu'un prix médiocre sentant la naphtaline, le prix de l'académie française. Cela aurait dû me faire fuir, mais pour une fois, la curiosité à pris le dessus sur mes aprioris quant au choix des académiciens. Je le redis, « le mage du Kremlin » de Giuliano Da Empoli aurait mérité le Goncourt. N'hésitez pas, le roman est court mais puissamment évocateur en ces temps de guerre Russo-Ukrainienne.
Lien : https://thedude524.com/2022/..
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